Plus de deux ans après son autorisation de mise sur le marché (AMM) en France, et près de 5 ans après son AMM européenne, le spray buccal Sativex contenant du tétrahydrocannabinol et du cannabidiol indiqué dans le traitement des spasticités modérées à sévères dues à une sclérose en plaques (SEP) n'est toujours pas disponible en France. Selon Christophe Vandeputte, à la tête du laboratoire Almirall, « le directeur du CEPS Maurice-Pierre Planel nous a indiqué qu'il fallait un arbitrage ministériel. Nous attendons une réponse en avril. »
La dernière proposition d'Almirall date du 26 octobre. « Nous avons proposé une baisse de 20 % par rapport aux autres prix européens qui est de 440 euros pour un mois de traitement, avec un prix dégressif sur 3 ans, une enveloppe fermée de 10 millions par an, l'engagement de fournir tous les demandeurs et d'une clause de revoyure », explique Christophe Vandeputte, directeur général d'Almirall, mais nous n'avons eu aucun retour depuis.
Le blocage du dossier du Sativex au niveau du conseil économique des produits de santé (CEPS) exaspère les neurologues et les associations de patients et les médecins réunis jeudi 24 mars à Paris pour un colloque sur le sujet.
Un recours devant le Défenseur des droits
Selon le Dr Olivier Heinzlef, président de la Ligue française contre la SEP, les associations de patients envisagent plusieurs actions si le dossier du Sativex devait continuer à faire du sur-place. « Les règlements européens imposent une équité de traitement en matière de santé pour tous les résidents de l'Union européenne (article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne N.D.L.R), rappelle-t-il, nous pourrions donc déposer un recours avec la plate-forme européenne sur la sclérose en plaques (EMSP) pour demander que les malades français aient accès au Sativex, au même titre que les Belges, les Espagnols ou les Anglais. »Avec l'Irlande, la France est en effet le seul pays de l'Union européenne où le Sativex n'est pas disponible.
Les partisans du Sativex envisagent aussi saisir le Défenseur des droits, ou le comité d'éthique du plan maladies neurodégénératives 2014-2019. « La mise en place du plan a hélas pris beaucoup de retard », constate le Dr Heinzleif.
Les données en vie réelle italiennes
Selon les données en vie réelle, sur 1 534 patients, communiquées par l'agence italienne du médicament (AIFA) le 8 octobre 2015, lors du congrès du comité européen pour le traitement et la recherche sur la SEP, 61,9 % des patients évalués après un mois de traitement constatent une diminution de leurs symptômes. Au bout de 6 mois, ils ne sont plus que 39 %, mais près de la moitié d'entre eux ont une diminution de plus de 30 % de l'intensité de leurs symptômes. Rapportés à la France, de tels chiffres signifient que 5 000 malades tireraient un bénéfice clinique du Sativex.
Ces résultats sont similaires à ceux montrés par l'étude allemande MOVE 2, ce qui est « une bonne nouvelle dans la mesure où les patients italiens souffraient de maladies plus avancées que ceux de la phase 3 allemande, note le Pr Patrick Vermersch, chef de service clinique de neurologie au CHRU de Lille. Le recul nous permet aussi de constater une absence d'impact sur le score de cognition PASAT et sur la conduite automobile », ajoute-t-il.
Une évaluation compliquée
Tous les avis ne sont pas aussi favorables, à commencer par celui de la commission de la transparence de la HAS, qui a conclu à un service médical rendu faible et une absence d'amélioration du service médical rendu.
Le Pr Vermersch évoque des difficultés d'évaluation de la gêne fonctionnelle liée à la spasticité. « Je suis d'accord pour dire que le service médical rendu n'est pas extraordinaire : on améliore un seul symptôme d'une maladie très complexe sur 5 000 malades en France. Mais pour ces 5 000 patients, l'amélioration fonctionnelle est très importante. »
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