Quels sont les sujets recourant le plus volontiers aux professionnels de santé mentale, et pourquoi ? C’est la question à laquelle tente de répondre une étude longitudinale, réalisée à Montréal (Canada), dans la lignée du modèle comportemental d’Andersen[1] décrivant les facteurs d’utilisation des services médicaux selon trois catégories de variables (facteurs prédisposant, facteurs favorisant et facteurs de besoin) intégrées dans un modèle de hiérarchie logistique.
Les facteurs prédisposant à l’usage des services psychiatriques sont des variables socio-démographiques : âge, sexe, statut matrimonial, niveau d’éducation, emploi… Les facteurs favorisant sont les conséquences d’une maladie (symptômes, diagnostic apprécié par le sujet, des proches, ou des professionnels… Et les facteurs de besoin sont des indicateurs personnels (revenus, assurances, accès aux ressources) ou communautaires (démographie médicale, disponibilité locale des ressources sanitaires). Il est évident qu’un facteur essentiel de recours aux professionnels consiste déjà dans leur existence et leur accessibilité sur le territoire où vit la patientèle potentielle.
L’étude évoquée ici porte sur près de 300 utilisateurs dont environ 38 % se sont révélés des « utilisateurs fréquents consultant environ tous les trois jours un professionnel de la santé mentale. » Les données ont été recueillies dans les dossiers médicaux des participants et au moyen de questionnaires. Les auteurs constatent que les sujets « les plus susceptibles » de faire appel aux professionnels sont « célibataires ou/et âgés, dépendant des aides sociales comme principales sources de revenus, habitant un logement supervisé[2], souffrant de schizophrénie (ou d’une pathologie apparentée) ou de troubles d’adaptation sociale, et présentant parfois de multiples troubles mentaux. »
Cette étude incite à « promouvoir des stratégies pour vaincre la réticence » des patients ayant un profil opposé à ces utilisateurs fréquents, c’est-à-dire les sujets les moins enclins à recourir aux services disponibles : jeunes, ne dépendant pas des allocations sociales, non psychotiques… D’autre part, les mesures pouvant améliorer le statut socioéconomique des personnes au chômage pourraient « aider à réduire l’utilisation des services de santé » chez ces patients et la personnalisation des programmes de soutien à l’emploi devrait « réduire la stigmatisation et améliorer l’intégration » socioprofessionnelle, permettant elle-même de diminuer le recours prévisible aux services de santé mentale.
[2] À Montréal, les logements dits supervisés sont des appartements subventionnés et réservés pour une longue durée « à des adultes ayant des problèmes de santé mentale. » Cf. http://omegacenter.org/fr/Resources/appartements-supervises/
Dr Alain Cohen
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