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Jean-François Bouvet
D’un côté, des neuroscientifiques pur(e)s et dur(e)s n’hésitant pas à parler de sexe du cerveau et faisant la part belle au déterminisme biologique. De l’autre, celles et ceux qui, sans totalement nier l’existence de différences cérébrales entre hommes et femmes, les cantonnent strictement au domaine sexuel – toute autre dissemblance n’étant que réponse individuelle à la pression du milieu, à l’apprentissage, à l’éducation, au conditionnement... au bourrage de crâne.

Certes, dans la construction du cerveau, l’importance de la plasticité neuronale qui permet aux neurones de modifier leurs connexions (synapses) en fonction de signaux externes apparaît considérable. Par ce phénomène, l’inscription de l’histoire d’un individu dans ses circuits synaptiques est permanente. Progressivement, son tissu cérébral s’imprègne de l’environnement physique, social et intellectuel ; il en accumule les traces et en devient une représentation singulière, produit d’une existence elle-même singulière.
Au delà d’un «simple» organe, le cerveau est donc un système bio-culturel. Et il serait tout aussi réducteur de nier le bio que le culturel. À commencer par l’impact hormonal sur la structure et le fonctionnement du cerveau – lesquels, comme le montre l’imagerie cérébrale, ne sont pas strictement identiques chez les deux sexes.

INFLUENCE HORMONALE

L’une des études les plus intéressantes à ce sujet a été réalisée récemment par des chercheurs du National Institute of Mental Health américain. En rassemblant des clichés IRM du cerveau de 284 sujets, filles et garçons, âgés de 9 à 22 ans, cette équipe a pu établir le «film» de la maturation cérébrale. Résultat : le «scénario» suivi n’est pas exactement le même chez les deux sexes. Faut-il y voir l’effet d’une influence hormonale ? Au moins pour partie, oui. Notre cerveau regorge de récepteurs pour les hormones sexuelles (androgènes et œstrogènes, entre autres), par le biais desquels elles peuvent exercer leur action. Et l’on sait que les concentrations de ces hormones diffèrent largement selon le sexe. On sait aussi qu’elles agissent en contrôlant l’activité des gènes.
Parmi les travaux les plus éclairants, une étude publiée par la prestigieuse revue Nature en octobre 2011 montre que plus d’une centaine de gènes communs aux deux sexes (la quasi totalité de nos quelque 30 000 gènes le sont) s’expriment différemment dans le cerveau de l’homme et dans celui de la femme. Ce qui revient à dire que le niveau d’activité de ces gènes est différent. Plusieurs d’entre eux apparaissent liés à des pathologies (dont un à la dépression).
On voit donc que la question n’est plus tant aujourd’hui de savoir si les cerveaux masculin et féminin diffèrent que de comprendre à quel degré. Et la subtile intrication nature-culture n’a pas fini de fasciner.
Jean-François Bouvet est l’auteur de «Le camion et la poupée. L’homme et la femme ont-ils un cerveau différent ?» (Flammarion, septembre 2012).