L’Institut de formation supérieure des cadres dirigeants (IFSCD) de la Fehap, en collaboration avec l’Association française du droit de la santé (AFDS), ont organisé jeudi un colloque sur le thème "La distinction entre le sanitaire et le médico-social a-t-elle encore un sens ?" Une occasion de faire le point sur un sujet de plus en plus actuel.
Les secteurs sanitaire et médico-social ont-ils vocation à se rapprocher dans les années voire les décennies qui viennent ? Cette question n’est pas nouvelle et le sujet mille fois débattu. Pourtant, devant les évolutions des besoins, notamment des personnes âgées dépendantes et l’apparition des maladies chroniques, la prise en charge par le "cure" qui se limite à l’intervention d’un professionnel qui soigne une maladie et celle par le "care" qui implique l’accompagnement sur la durée d’une personne fragilisée par un handicap, son âge ou une situation d’exclusion, montrent aujourd’hui leurs limites. C’est ce que confirme Robert Lafore, professeur de droit public à l’Université de Bordeaux et qui intervenait lors du dernier colloque organisé par la Fehap sur ce thème. "De plus en plus de personnes se situent dans une situation intermédiaire qui réclame une intervention mixée entre le sanitaire et le médico-social, l’un ne pouvant fonctionner sans l’autre. Dès lors, une réflexion autour d’une plus grande cohérence entre les deux secteurs est plus que nécessaire."
Pas de convergence possible...
La convergence entre ces deux secteurs est-elle pour autant possible ? A priori non. Les deux blocs de l’action sociale ont des histoires et un régime juridique bien distincts qui ne laissent aucune place à l’ambigüité. "Le secteur sanitaire a été formalisé dans sa version moderne par la loi de 1970 tandis que le médico-social s’est organisé autour de loi de 1975. De même, les deux secteurs sont réglementés par des codes différents : le code de la santé publique et le code de l’action sociale et des familles, dont les approches demeurent très éloignées", a rappelé Didier Truchet, professeur à l’Université de Paris 2. D’autre part, tandis que le secteur sanitaire apparaît comme une entité assez homogène avec une organisation, des modalités d’autorisation, de certification et de financement, relativement identifiées, le secteur médico-social est marqué par la diversité de ses intervenants. "Ce secteur est très peu lisible avec des financeurs multiples, des procédures de tarification opaques, des instances de décisions et de concertation présentes à chaque échelon administratif : que ce soit la région, l’Etat ou le conseil général. Un système devenu encore plus complexe avec la décentralisation", a analysé Arnaud Vinsonneau, juriste en droit de l’action sociale.
… mais une meilleure coordination envisageable
En dépit de tous ces constats, il faut noter que les pouvoirs publics ont souhaité, par le biais de la loi "Hôpital, patients, santé, et territoires" de 2009, mieux coordonner les deux secteurs en créant les agences régionales de santé, des espaces communs de discussion et de décision, même si leur bilan reste mitigé. De la même manière, certaines procédures de financement des établissements ont tendance à converger."C’est le cas des conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens (CPOM). Obligatoires depuis plusieurs années dans le sanitaire, elles sont facultatives dans le médico-social mais de plus en plus utilisées pour faire face à l’incertitude des financements", a souligné Adeline Leberche, directrice du secteur social et médico-social à la Fehap. Sur le terrain de l’évaluation aussi, les choses progressent. Les deux instances chargées de cet exercice que sont la Haute autorité de santé (HAS) pour le sanitaire et l’Agence nationale de l’évaluation sociale et médico-sociale (Anesm) pour le médico-social, ont su récemment dépassé leurs différences de culture pour mener des travaux communs sur le thème par exemple, de la maladie d’Alzheimer.
Un autre domaine où la convergence est possible : la défense des droits des patients et des usagers, les deux secteurs étant animés par la volonté de rendre ces derniers, acteurs de leur accompagnement. "Cette prise en compte de l’usager dans le cadre d’un parcours est sans doute une porte d’entrée intéressante. En effet, elle favorise une vision transversale des deux secteurs en sortant des logiques sectorielles. Pour autant, de nombreux problèmes demeurent non résolus et l’on attend toujours des politiques publiques une approche générale et de long terme sur ce sujet. La question reste donc ouverte", a conclu Robert Lafore.
Charles Chevallier
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