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dimanche 7 juillet 2013

Oui, à l'autonomie des hôpitaux publics

LE MONDE | Par 
Historiquement fondé sur la reconnaissance de l'autonomie des offreurs de soins, notre système de santé vit un mouvement de centralisation et d'inflation réglementaire. Cette situation est à la fois inédite et dangereuse, car jamais l'autonomie des acteurs de santé n'a autant été remise en cause.
Confrontés à la nécessaire maîtrise des dépenses publiques et inquiets du climat social au sein des établissements de santé, les gouvernants se sont employés à encadrer l'action des hôpitaux, à multiplier les procédures de contrôle.
Les agences régionales de santé (ARS) offrent une excellente illustration de ce phénomène : leur mission est de fixer les objectifs régionaux en fonction des besoins de la population. Mais elles doivent aussi accompagner les établissements et professionnels de santé qui seuls sauront trouver les solutions pour atteindre ces objectifs.

BUREAUCRATIE FRANÇAISE
Dans les faits, ces agences sont devenues des symboles de ce que la bureaucratie française sait faire de mieux : organigrammes surchargés, luttes intestines entre services de l'agence, multiplication des contrôles au sein des établissements et surtout tendance à l'immixtion dans la gestion interne des établissements.
En quelques mois d'existence, ces agences se sont positionnées en tutelles tatillonnes, bureaucratiques, peu au fait des réalités de terrain, mais convaincues de pouvoir faire mieux que les acteurs.
Les ARS ne sont pas les seules responsables de ce mouvement contre-productif qui décourage les responsables hospitaliers. En ne modifiant pas ses procédures, en conservant sa structure hypertrophiée et en assommant les agences de directives, le ministère de la santé a condamné les ARS à devenir des autorités au service de la centralisation du système.
Alors même que la ministre de la santé réitère les promesses de "confiance", les hospitaliers publics vivent une accélération de la remise en cause de leur autonomie de gestion : centralisation des décisions d'investissement, remise en cause de la gestion patrimoniale des hôpitaux, mise en place de comités régionaux de gestion des ressources humaines, multiplication des indicateurs – illisibles – de suivi de la gestion des établissements.
L'inspection générale des finances va même jusqu'à préconiser rien de moins que d'étatiser la décision d'investissement en lieu et place des hospitaliers, en même temps que leur financement ! Des actes et des intentions reçues par les hospitaliers comme autant de manifestations de la défiance des pouvoirs publics à leur égard, au moment même où les hôpitaux font pourtant la preuve de leur capacité à se réformer et à assainir leurs finances.
UN SYSTÈME INFANTILISANT
L'édification progressive d'un système infantilisant pourrait ne pas se prêter à d'autres commentaires si elle n'avait pas pour conséquence une perte de réactivité pour les hôpitaux publics et, en définitive, une perte d'efficience pour l'ensemble du système de santé. Dans un environnement en changement perpétuel, sous l'effet des avancées médicales, des évolutions des prises en charge, mais aussi des aspirations des patients, les hôpitaux publics réclament de pouvoir décider vite, de trouver eux-mêmes, au plus près des réalités, les solutions dont ils ont besoin.
Face au défi de la démographie médicale et soignante, les responsables hospitaliers doivent également pouvoir bénéficier d'espaces de créativité pour retenir dans leurs établissements les meilleurs, pour savoir rémunérer davantage ceux qui s'investissent le plus.
Cette voie de la confiance et de l'autonomie, c'est précisément celle qui est suivie par la quasi-totalité des grands pays développés, qui ont fait de la responsabilisation des acteurs de santé et des hôpitaux un principe cardinal pour améliorer l'efficience du système.
Cette voie, c'est malheureusement celle à laquelle la France semble tourner le dos, dans un vieux réflexe jacobin, selon lequel les affaires sont bien trop sérieuses pour être confiées aux responsables de terrain.
Dans le nouveau système de santé qui se dessine, les directeurs d'hôpitaux devront demander au ministère l'autorisation pour investir, renouveler un équipement, pour coopérer, voire même emprunter.
TROUVER DES SOLUTIONS ADAPTÉES
Dans un paysage où certes la compétition entre hôpitaux et cliniques existe, l'essentiel est la capacité du système hospitalier public à faire bénéficier les patients des dernières innovations, notamment des nouvelles modalités de prise en charge. Il est facile de deviner ce que deviendraient nos hôpitaux publics privés de réactivité et de tout espace de créativité.
Aujourd'hui, les hospitaliers publics sont prêts à prendre toutes leurs responsabilités. Ils sont prêts à trouver de nouvelles solutions adaptées aux besoins de santé des Français, à imaginer de nouveaux modes de management des personnels, de nouvelles formes de coopération.
Cela commande, pour le ministère de la santé et ses ARS, de retrouver un rôle de pilotage général du système et de définition des grands objectifs. Il est surtout urgent de conduire de larges expérimentations, à l'échelle des régions, pour permettre aux acteurs de terrain de dessiner un paysage de la santé en phase avec les aspirations de nos concitoyens. Au regard des contraintes, les expérimentations sont bien le seul moyen de préserver notre système public hospitalier.

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