12 juillet 2013
Un décret autorise désormais les pharmacies à vendre en ligne les médicaments sans ordonnance. La mesure, strictement encadrée, mécontente une partie du secteur qui souhaite une plus grande libéralisation.
Les Français peuvent à partir de vendredi acheter des médicaments sans ordonnance sur des sites internet autorisés, une sorte de révolution qui pourrait en précéder une autre puisque l’Autorité de la concurrence étudie la possibilité d’autoriser la vente de certains médicaments hors des pharmacies pour faire baisser les prix.
Juste à la veille de cet élargissement du e-commerce, l’Autorité est venue mercredi jouer les poils à gratter : elle considère que l’ouverture partielle du monopole des pharmacies sur la vente des médicaments «permettrait aux consommateurs de bénéficier de tarifs plus attractifs pour leurs achats de médicaments d’auto-médication». Elle souligne au passage l’existence d' une «disparité très forte des prix des médicaments non remboursables» pouvant aller de 1 à 4 selon les pharmacies. L’autorité soumet ses observations à consultation publique jusqu’au 16 septembre, et rendra un avis définitif «avant la fin de l’année».
En attendant, l’ouverture française, vendredi, de la vente sur le web des quelque 4 000 médicaments délivrés sans ordonnance, reste très strictement encadrée dans l’idée d’éviter les risques inhérents au commerce électronique dans ce domaine (produits de piètre qualité, voire carrément absence de substance active). Chacun de ces sites web sécurisés doit être le «prolongement virtuel» d’une pharmacie réelle, elle-même dûment autorisée, stipule le texte de l’arrêté, paru au Journal Officiel le 23 juin, qui encadre cette nouvelle modalité de vente. L’Ordre des pharmaciens et le ministère de la Santé tiendront à jour la liste des sites de pharmacies autorisés.
Les médicaments doivent être présentés «de façon objective, claire et non trompeuse». Seules mentions autorisées : le nom commercial, la ou les indications thérapeutiques, la forme (sachets, comprimés, gélules, etc.), le nombre d’unités et le prix. Les notices (précaution, doses) en ligne doivent pouvoir être imprimées, sur ces sites qui doivent rester indépendants de l’industrie pharmaceutique (ni lien, ni subvention). Le pharmacien «assure personnellement la délivrance»et la préparation des commandes «ne peut se faire qu’au sein de l’officine dans un espace adapté à cet effet».
Comme l’Italie
On pourra ainsi faire ses achats de médicaments et de parapharmacie (produits d’hygiène,compléments alimentaires, biberons, etc.), se les faire livrer à domicile par la poste ou aller les chercher sur place, à la pharmacie. L’expédition postale rencontre des objections chez les pharmaciens comme le Collectif national des groupements de pharmaciens (CNGPO) qui réunit 10 000 pharmacies et représente 50% du chiffre d’affaires des officines françaises. «Il est difficile de faire un accompagnement en ligne»argue Pascal Louis, son président. Un avis partagé par Lucien Bennatan, président du groupe PHR (qui regroupe 10% des officines) pour qui «le contact physique (avec le patient) permet d’éviter des erreurs ou des surconsommations».
Sur un autre front, des groupements de pharmacie, comme 1001Pharmacies, critiquent les «restrictions beaucoup trop contraignantes» imposées à ce secteur de l’e-commerce. Ainsi, Cédric O’Neill, pharmacien co-fondateur de 1001Pharmacies, s’insurge contre l’interdiction faite aux pharmaciens de se regrouper sur internet. L’obligation de «1 pharmacie = 1 site web» ne revêt aucune légitimé de santé publique, soutient-il. L’e-commerce exige des compétences spécifiques et un travail important que les pharmaciens ne peuvent pas tous se permettre, explique-t-il . Son groupement 1001Pharmacies va d’ailleurs déposer un recours devant le Conseil d’Etat pour lever cette interdiction.
Par ailleurs, concernant les médicaments en vente libre, l’Autorité s’interroge sur le refus de certains laboratoires de passer par des intermédiaires, soupçonnant que cette vente directe soit un moyen pour les fabricants de «maintenir des marges plus élevées» et d’empêcher la baisse des tarifs. Le régulateur dénonce également des pratiques qu’elle assimile à «des marges arrières déguisées». Cette libéralisation partielle a déjà permis à d’autres pays de l’Union européenne, comme l’Italie, de bénéficier demédicaments en moyenne 25% moins chers, assure l’Autorité à propos de l’ouverture partielle du monopole officinal.
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