Les centres de simulation médicale connaissent un essor de plus en plus important ces dernières années. Véritables exercices de formation, ils confrontent les étudiants à la complexité de leur future pratique professionnelle. Encore facultative, cette démarche pédagogique pourrait devenir obligatoire.
L'ENQUÊTE
En 2010, la Haute autorité de santé (HAS) a confié au Dr Marie-Christine Moll et au Pr Jean-Claude Granry un état des lieux des initiatives existantes au niveau national et international sur la simulation en santé. Un an après la remise en janvier 2012 de ce rapport, formulant entre autres des propositions pour favoriser le déploiement des centres, la HAS a publié en janvier un guide des bonnes pratiques en la matière (lire notre sujet du 30/01/2013). Celui-ci a pour vocation d'apporter une définition et une description de la méthode à destination de ceux qui souhaitent concevoir des programmes de simulation. Parallèlement, le développement de ces pratiques est en pleine expansion. Le CHU et l'Université d'Angers par exemple comptent parmi les pionniers de la simulation en santé. Tandis que d'autres établissements officialisent chaque année leur plate-forme, les instances accordent de plus en plus d'intérêt à cette démarche.
"Jamais la première fois sur le patient"
La simulation en santé repose sur la théorie de l'apprentissage par l'expérience. Proposée dès la seconde année de médecine, elle consiste à "reproduire des situations ou des environnements de soins dans le but d'enseigner des procédures diagnostiques et thérapeutiques et de répéter des processus, des concepts médicaux ou des prises de décisions par un professionnel de santé ou une équipe de professionnels", écrivent les auteurs dans le rapport de mission HAS 2012. Reconnue dans le Développement professionnel continu (DPC - lire notre sujet du 27/12/2012), la simulation en santé peut s'appliquer à toutes les disciplines et s'avère efficace pour la gestion des comportements (travail en équipe, mise en situation professionnelle) et pour la gestion des risques (reconstitution d'événements indésirables). En outre, elle permet de réduire le nombre de complications mais aussi les risques d'infections nosocomiales.
"Si pour le moment la simulation n'est pas obligatoire, elle tend à se généraliser à d'autres disciplines", explique à Hospimedia le Pr Jean-Claude Granry. "Pour les internes en anesthésie-réanimation au CHU d'Angers, la formation en simulation est devenue obligatoire", précise-t-il. Les formateurs détiennent pour la plupart un diplôme universitaire reconnu officiellement par les conseils nationaux professionnels ou à défaut une validation de l'expérience de simulation en santé. "C'est une nouvelle façon de former sans risque pour le patient. (...) Il se pourrait même que les étudiants soient évalués d'ici cinq ans sur leurs compétences et leurs connaissances via des exercices de simulation, indique le professeur. Les patients font beaucoup plus confiance et sont généralement plus à l'aise avec un interne ayant déjà exercé des gestes sur des mannequins, poursuit-il.Le debriefing constitue d'ailleurs une étape importante dans le processus de simulation car il permet de s'auto-évaluer sur les gestes pratiqués. (...) Après tout, jamais la première fois sur le patient", souligne-t-il.
Des techniques innovantes
Alors que le centre de simulation du CHU d'Angers existe depuis 2008, une convention constitutive a officialisé le 31 mai la création d'une plate-forme hospitalo-universitaire entre l'hôpital et l'Université afin de donner une nouvelle impulsion au centre. Elle réunit ainsi tous les acteurs angevins de la simulation médicale dans un Groupe d'intérêt scientifique (GIS). "Il s'agit d'un véritable lieu d'échanges et de rencontres entre les acteurs de terrain", indique Jean-Claude Granry. Par ailleurs, le centre de simulation accueille des formations de diverses disciplines comme l'anesthésie-réanimation, la pédiatrie, la cancérologie, la médecine d'urgence, la chirurgie cardiaque ou encore la néonatalogie. Des consultations annonces ont également été mises en place pour former les étudiants à annoncer la maladie aux patients. De leur côté, les facultés de médecine et de pharmacie, l'Institut de formation de soins infirmiers (IFSI), le Centre d'enseignement des soins d'urgences (CESU) et l'école de sages-femmes ont également développé des activités appuyées sur la simulation.
Le CHU de Nîmes et la faculté de médecine Montpellier-Nîmes ont officialisé le 24 mai la création d'un Centre de simulation médicale université hôpital (SIMUH). D'une superficie de 400m², ce bâtiment intègre un ensemble de spécialités médico-chirurgicales comme les urgences, la pédiatrie, l'anesthésie-réanimation, la gynécologie obstétrique, le digestif, l'urologie ou encore la gastro-entérologie. Pour enseigner aux étudiants, le SIMUH dispose de plusieurs techniques : jeux de rôle, modèles inertes en anatomie, simulateurs vidéo 3D (chirurgie, endoscopie, échographie), simulation procédurale pour l'apprentissage des gestes, mannequins interactifs pour les situations de crises complexes ainsi qu'une plate-forme de chirurgie robotique. Sécurisation des soins, enseignement des techniques de base jusqu'aux techniques de pointe, il existe également des enjeux de partenariat entre les acteurs de terrain, comme l'explique dans un communiqué Nicolas Best, DG adjoint au CHU. "C'est pourquoi nous mettons tout en œuvre pour le développement du centre de simulation", précise-t-il.
Des crédits en faveur de la simulation médicale
Annoncé en février dernier, le Programme national pour la sécurité des patients (PNSP - lire notre sujet du 14/02/2013), comporte des actions sur la simulation sous ses différentes formes, notamment en formation initiale et continue. Un guide d'évaluation des infrastructures sera publié d'ici le premier trimestre 2014. Il proposera des programmes de simulation selon une approche formative et progressive à partir des bonnes pratiques publiées en janvier dernier. Un second référentiel, dont les travaux débuteront au cours de l'année prochaine, permettra d'élaborer des scénarios issus de situations à risque identifiées à partir d'événements indésirables associés aux soins. Une manière donc de "renforcer la place de la sécurité des soins et de consolider les recommandations en simulation", souligne à Hospimedia la HAS.
À ce jour, la France compte une centaine de centres de simulation médicale, "soit trois fois plus qu'en 2011", souligne Jean-Claude Granry. À l'occasion du congrès international de simulation en santé organisé du 13 au 15 juin dernier par la Society in Europe for simulation applied to medicine (SESAM), le ministère de la Santé a annoncé la répartition des crédits à hauteur de 8 millions d'euros en faveur des centres de simulation. Contacté, le ministère a tenu à préciser que les aspects de financement seront détaillés dans une circulaire... d'ici quelques semaines.
Lina Tchalabi
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