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lundi 8 juillet 2013

De l’analyse textuelle à la compréhension de l’ADN et du cerveau…

Qu’est-ce qu’un “langage”? Comment reconnaître le signal du bruit ? L’ADN, les oeuvres littéraires, les connexions neuronales possèdent-ils une structure commune qui peut être soumise à la même analyse et donc être considérée comme du “texte”? On trouve parfois des études sur des sujets marginaux, peu connus, qui pourtant apparaissent comme des avancées vers les réponses à ces questions fondamentales. C’est le cas du travail de Marcelo Montemurro sur lemanuscrit Voynich, relaté par le New Scientist.
Marcelo Montemurro n’est pas un spécialiste de la cryptographie et des livres anciens. C’est un neuroscientifique. La plupart de ses publications portent des titres poétiques, comme “Relations des propriétés dynamiques et fonctionnelles des neurones intrinsèquement activés” (ou quelque chose comme ça). C’est pourquoi il est étonnant de voir ce chercheur se pencher sur un tel texte.
Le manuscrit Voynich, ce livre étrange, est l’une des plus grandes énigmes littéraires de tous les temps. Il a fait rêver plus d’un Indiana Jones en herbe. Il s’agit d’un manuscrit rédigé dans un alphabet inconnu qu’il n’a jamais été possible de déchiffrer. A coté de ces écrits mystérieux, on trouve des illustrations assez bizarres de plantes, de constellations et des images qui se rapprochent de celles des écrits alchimiques.
En 1912, un collectionneur bibliophile, Wilfrid Voynich, fait l’acquisition de l’ouvrage. Inclus, une lettre datant de 1666 adressée à Athanasius Kircher, qui contiendrait la première mention historique du manuscrit. Kircher était un jésuite d’une culture étonnante, fasciné par les civilisations antiques. On lui attribue aussi l’invention de la lanterne magique, et donc de la première forme de cinéma, mais cela est contesté. Officiellement, le livre aurait appartenu à Roger Bacon (ne pas confondre avec Francis, le philosophe, et encore moins avec l’autre Francis, le peintre), ce moine et érudit du Moyen Age, était expert dans les sciences du moment, occultes ou non (à l’époque, de toute façon, toutes les sciences étaient plus ou moins occultes). La lettre nous explique que le manuscrit aurait été acquis par l’empereur Rodolphe II, lui-même grand amateur de magie et d’alchimie, pour la “modique” somme de 600 ducats (environ 50 000 euros actuels). On ignore le nom du vendeur. On a soupçonné John Dee, autre grande figure du romantisme occulte de la fin de la Renaissance, mathématicien et cryptographe de première classe, astrologue de la reine Elizabeth, inventeur de l’expression Empire britannique et espion à ses heures. Il signait du sigle 007 ses lettres à la reine – ça ne s’invente pas !
On n’en sait pas beaucoup plus sur l’origine réelle du manuscrit. Les datations au carbone 14 nous apprennent que le papier utilisé aurait été fabriqué vers 1400, mais cela ne signifie pas que le texte et les illustrations n’ont pas été rajoutés bien plus tard.
Depuis 1912, beaucoup se sont attelés à l’étude du manuscrit, nombreux sont ceux qui ont cru en avoir trouvé la clé, mais tous se sont cassé les dents. Outre Roger Bacon, auquel on l’a probablement faussement attribué, on a soupçonné une multitude d’auteurs : Voynich lui-même (qui aurait donc aussi rédigé la pseudo lettre à Kircher), Dee, ou plus exactement son “médium”Edward Kelley alchimiste qui n’aurait pas manqué de compétences de faussaire, d’autres encore, moins connus…

Le mystère Voynich

Une page du manuscrit Voynich
Mais que signifie le Voynich ? Quel langage cache ce mystérieux alphabet ? Latin ? Langue “exotique” comme le chinois ? Pseudo égyptien ? Idiome artificiel ? A ma connaissance, le klingon et l’elfique comptent parmi les seules solutions à n’avoir pas été envisagées…

Reste l’autre hypothèse : le manuscrit Voynich est un grand n’importe quoi. Il n’a aucune signification. C’est un pur canular, fabriqué de toutes pièces, pour soutirer 600 ducats à ce grand benêt de Rodolphe II.
Il existe bien sûr déjà des analyses statistiques du contenu du Voynich. Elles révèlent une certaine régularité de fréquence dans les lettres et les mots utilisés, ce qui a été considéré pendant longtemps comme la preuve que le document n’était pas un pur galimatias. On pourra objecter que le codex Séraphinianus, autre texte écrit dans un alphabet incompréhensible, rédigé par l’artiste Luigi Serafini, mais sans prétention autre qu’artistique, semble montrer qu’il est possible de créer un fake de ce genre. Mais surtout, cette thèse a été démontée en 2004 par Gordon Rugg, qui a montré qu’en utilisant une technologie déjà bien connue à la Renaissance, la grille de Cardan, il était possible d’écrire un pseudo-texte dénué de sens, mais possédant les apparences et la complexité d’un message réel.
Les travaux de Montemurro relancent le débat. Comme les analyses précédentes du manuscrit, ils reposent sur la théorie de l’entropie : rappelons que ce qui est inattendu possède plus de sens que ce qui ne l’est pas. Un texte purement aléatoire ne possède aucune redondance. L’information est partout. Un texte complètement redondant comme ababababab est aisément prévisible, mais contient un degré d’information très faible. Un “vrai” message possède donc un rapport signal/bruit équilibré, il se trouve, comme le dit le biologiste Henri Atlan, quelque part “entre le cristal et la fumée”.

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