L’histoire de la masturbation nous enseigne comment des découvertes fortuites peuvent amener à de terribles persécutions guidées par des interprétations médico-religieuses erronées.
IL N’EXISTE dans l’Ancien Testament aucune condamnation directe de la masturbation. Dans l’Antiquité, elle ne soulève qu’indifférence. Hormis un texte de Galien qui sera toujours repris par les persécuteurs et qui parle de « perte de semence »,… Le mot masturbation apparaît pour la première fois chez Montaigne qui en parle ouvertement mais ne la condamne pas. Les choses vont changer à la fin du XVIIe siècle à la suite de découvertes de trois Hollandais.Janssen met au point le premier microscope ; de Graaf, naturaliste, découvre le follicule qui porte son nom et, enfin, Leeuwenhoek découvre le spermatozoïde. Ce dernier, drapier de son état, s’intéressait aux fibres des tissus et non au sperme. On peut imaginer, remarque le Dr PhilippeBrenot « sa stupéfaction devant des millions de petits animaux mobiles dans son sperme obtenu probablement par masturbation… »
De la masturbation à l’onanisme.
Ces découvertes successives, vont susciter des interrogations scientifiques sur la signification du sperme ainsi que des mises en garde idéologiques et religieuses devant la crainte d’une « déperdition » de la semence qui pourrait entraîner la fin de l’humanité. La masturbation équivaudrait à un suicide, un génocide… La croisade s’engage alors et la masturbation devient onanisme, crime dénoncé dans la Bible, le crimed’Onan qui en réalité n’est qu’un coït interrompu. D’un acte non condamné par la Bible, la masturbation, on passe à un crime en changeant son nom. C’est ainsi que se déclenche, à la fin duXVIIIe siècle, une persécution soutenue par de nombreux médecins et qui sévira tout au cours du XIXe et jusqu’au milieu du XXe siècle. Les remèdes au « mal solitaire » furent terribles : calmants, sangsues sur la région génitale, ceinture de chasteté, chirurgie, castration, clitoridectomie…
Aujourd’hui, la masturbation est reconnue comme une étape essentielle de la construction de l’être humain vers l’épanouissement personnel. L’auto-érotisme et la bonne connaissance de soi, chez l’homme comme chez la femme, sont des facteurs de maturation de la sexualité à l’adolescence et, par la suite, de pérennité de la sexualité. « Et n’oublions pas que la masturbation fut condamnée parce qu’on l’a appelée d’un autre nom, conclut Philippe Brenot. Alors, arrêtons de parler d’onanisme quand il s’agit de masturbation ! »
› Dr BRIGITTE MARTIN
Communication du Dr Philippe Brenot (médecin psychiatre, anthropologue, directeur des enseignements de sexologie et sexualité humaine à l’Université Paris Descartes).
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