Les abstinents ont une mortalité plus élevée que les petits buveurs, le constat ne cesse de poser question. À leur tour, les chercheurs de l’université du Colorado ont essayé de comprendre les raisons de cette surmortalité surprenante dans une étude sur plus de 41 000 personnes aux États-Unis.
L’équipe du Pr Richard Rogers a opté pour une analyse en fonction des caractéristiques par sous-groupes de non-buveurs. Si certains ont défendu par le passé l’hypothèse d’un effet protecteur et anti-stress, les résultats coloradiens suggèrent que le fait de se mettre à boire un peu pourrait ne pas avoir le résultat escompté sur la mortalité.
Ne pas boire ou ne plus boire
Les chercheurs ont exploité les données recueillies en 1988 dans la National Health Interview Survey sur les habitudes de boisson chez plus de 41 000 personnes, ainsi que les causes des décès survenus dans la cohorte entre le début de l’étude et 2006.
Les non-buveurs ont avancé des raisons très variées à leur abstinence, allant de « je n’aime pas les relations sociales » à « je suis alcoolique » ou « des raisons religieuses ou morales ». Les non-buveurs étaient divisés en 3 groupes : les abstinents, à moins de 12 verres au cours de leur vie, les « buveurs très occasionnels », à moins de 12 verres par an et les « ex-buveurs ».
Certains non-buveurs au niveau des petits buveurs
Les abstinents ayant choisi de ne pas boire pour des motifs religieux ou moraux, d’éducation, de responsabilité familiale ou de goût personnel, ne mourraient pas plus que les petits buveurs. « Donc l’idée que tous les non-buveurs ont tous une mortalité plus élevée que les petits buveurs n’est pas juste, souligne le Dr Rogers. Il existe des groupes de non-buveurs ayant la même mortalité que les petits buveurs ».
Un autre groupe d’abstinents, pour lesquels le fait de ne pas aimer le goût prédominait sur les autres raisons, présentait une mortalité augmentée de 17 % par rapport aux petits buveurs.
Le cas des ex-alcooliques
Les buveurs très occasionnels avaient quant à eux une mortalité très légèrement supérieure aux petits buveurs, tandis que les ex-buveurs présentaient, de loin, la plus forte mortalité dans le groupe des non-buveurs. Les ex-buveurs, dont l’abstinence s’expliquait par le fait d’être alcoolique, avaient une mortalité plus élevée de 38 % par rapport aux petits buveurs.
À titre de comparaison, les sujets buvant entre 1 à 2 verres par jour présentaient une mortalité plus élevée de 9 % par rapport aux petits buveurs, ceux buvant 2 à 3 verres par jour une mortalité plus élevée de 49 % et ceux buvant plus de 3 verres par jour une mortalité plus élevée de 58 %.
Le niveau socio-économique en question
Pour le Dr Roger, ces résultats signifient que le fait de boire ne va pas se solder automatiquement par une baisse de la mortalité. Pour les ex-buveurs, il y a au contraire toutes les chances pour qu’ils se mettent davantage en danger. Alors que le niveau socio-économique est globalement plus faible chez les abstinents, le simple fait d’avoir une consommation régulière d’alcool sans « ascenseur social » pourrait ne pas s’accompagner d’effet sur la mortalité.
Le Dr Roger est ainsi sans appel : « L’idée que la consommation d’alcool pourrait être bénéfique pour la santé est dépassée. Ce sont très probablement d’autres facteurs qui diminuent la mortalité chez les petits buveurs ». Le débat n’est pas clos pour autant, le vin rouge consommé modérément ayant fait preuve de vertus cardio-vasculaires.
› Dr IRÈNE DROGOU
Population Research and Policy Review, publié le 18 juillet 2013
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