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mardi 27 novembre 2012

Vers un médicament contre la délinquance ?
Publié le 26/11/2012 
Le diagnostic de « troubles déficitaires de l’attention avec hyperactivité » (TDAH) est contesté par certains : ils y voient une situation exemplaire de « disease mongering » [1] ou/et une «tentative de contrôle du comportement » des masses à l’aide de médicaments. Un peu à l’instar du Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley où une « pilule du bonheur » et un conditionnement pendant le sommeil préviennent troubles du comportement et marginalité, en incitant les individus à se satisfaire de leur statut social.
Quelle que soit sa nature (réelle ou « préfabriquée » par le corps médical), cette problématique intéresse toutefois les chercheurs, comme le montre une étude suédoise et britannique (sur plus de 25 000 sujets de 15 ans à plus de 40 ans, étiquetés « avec TDAH ») visant à évaluer l’incidence de ces TDAH sur « le risque de criminalité », et celle de leur traitement sur la modulation de ce risque d’évolution vers la délinquance.

Lorsque les sujets avec TDAH reçoivent un traitement médicamenteux contre leurs troubles, on constate une « réduction significative du taux de criminalité », comparativement aux périodes où ils ne sont pas traités : -32 % chez les hommes (Odds ratio [OR] : 0,68 ; intervalle de confiance 95 % [IC95] : 0,63–0,73) et -41 % chez les femmes (OR : 0,59 ; IC95 : 0,50–0,70).
Dans les analyses de sensibilité (sensitivity analyses)[2] chez les hommes, la réduction de ce taux de criminalité demeure comprise «entre 17 % et 46 % », en fonction de certains facteurs comme le type de médicaments (par exemple psychostimulants versus non psychostimulants) ou le type d’infraction commise.
Tout en rappelant que « les effets bénéfiques doivent être appréciés par rapport à d’éventuels effets indésirables, y compris une sur-prescription ou des effets latéraux », et sans prôner un recours systématique au traitement chez les délinquants présumés hyperactifs (ou, vice-versa, chez les hyperactifs délinquants en puissance), les auteurs estiment que les résultats de cette étude «soulèvent la possibilité que l’utilisation du médicament puisse réduire le risque de criminalité chez les patients avec TDAH. »
Séduisante pour une partie des psychiatres, cette proposition sera sans doute perçue par leurs confrères comme une possible dérive sécuritaire où le médicament ne serait plus convoqué dans un but uniquement thérapeutique, mais avec la finalité principale de maintenir la paix sociale.

Dr Alain Cohen

Lichtenstein P et coll : Medication for Attention Deficit–Hyperactivity Disorder and Criminality. N Engl J Med., 2012; 367: 2006-2014.

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