TUER LE PÈRE – La psychanalyse à la rescousse pour analyser la crise à l’UMP
Dix jours plus tard, rien n'a changé. Chaque rebondissement confirme un peu plus que la crise qui déchire l'UMP sera sans doute irréversible. Nouveauté dans le traitement de cette crise, en revanche, depuis ce week-end, les médias font passer François Fillon et Jean-François Copé sur le divan pour tenter de comprendre, à travers la psychanalyse, comment le parti qui était au pouvoir hier peut se fracturer aussi profondément aujourd'hui.
"Au dixième jour les médias dégainent les médecins", constate Daniel Schneidermann dans son édito du jour. Et le rédacteur en chef d'Arrêt sur images de rappeler que son site avait la semaine dernière déjà, relevé "le côté médical de l'affaire".
Ce matin sur France Inter, c'est Bernard Accoyer, qu'Hélène Jouan a invité à donner son diagnostic sur la guerre des chefs, en sa qualité d'ancien ORL... L'ex-président de l'Assemblée nationale a fait allusion au secret médical pour se défiler.
Hier soir, Michel Denisot invitait Serge Hefez au Grand Journal après que le JDD lui a donné la parole dimanche dernier. Le psychanalyste a déclaré sur le plateau de Michel Denisot que "dans toutes les cultures il y a tout le temps un meurtre fratricide qui est au fondement du lien social", et comparé dans le JDD la situation critique à l'UMP, au "mythe fondateur de la culture judéo-chrétienne : la rivalité entre Abel et Caïn". M. Hefez voyait d'autre part dans l'intervention d'Alain Juppé un espoir d'apaisement : "Comme dans une famille, seule l’intervention des parents, d’un tiers qui incarne l’autorité, permettra d’en sortir. Alain Juppé a le profil idéal pour prendre ces deux grands gamins par la main et faire cesser leur dispute", estimait-il.
Sur ce point-là, l'anthropologue et psychanalyste Olivier Douville interrogé par Le Figaro s'inscrit en faux : pour résoudre un conflit fraternel, "Copé et Fillon ont besoin d'un surmoi, qui, comme le fut de Gaulle pour la droite, est capable de tracer les limites, la ligne à ne pas franchir". L'intervention d'Alain Juppé était donc vouée à l'échec, celle de Nicolas Sarkozy l'est aussi selon lui.
Le Figaro, qui prévoit une guerre fratricide si François Fillon en venait à créer un deuxième groupe UMP à l'Assemblée nationale (ce qu'il a annoncé aujourd'hui), compare la situation actuelle à celle qui se joue entre "le roi et les chefs bahimas en Ouganda, lorsque l'un d'eux refuse de faire allégeance au nouveau roi". "Dans ce royaume étudié dans les années 1960, poursuit le quotidien, le seul moyen dont dispose le chef bahima [François Fillon] pour contester l'autorité du roi [Jean-François Copé] est de ne pas accorder son hommage. C'était, croyait-on, le dénouement il y a une semaine, lorsque François Fillon prenait acte des résultats proclamés par la Cocoe - sans se ranger derrière le nouvel élu. Mais la situation empire dès lors qu'un chef bahima en incite d'autres à se joindre à lui pour défier le roi plus efficacement et à lui rendre hommage plutôt qu'au roi. Avec des conséquences économiques puisque c'est alors le chef bahima qui récupère les tributs en vaches normalement destinés au roi."
Toujours dans les colonnes du Figaro, Michel Schneider, écrivain, haut fonctionnaire et psychanalyste français parle de "bataille attristante entre deux ego, deux personnages mus par le cerveau reptilien et non par la pensée rationnelle, pensant avec leur nombril - pour ne pas dire plus bas". Enfin Jean-Pierre Friedman qui considère que "le pouvoir est une maladie mentale" dans son ouvrage Du pouvoir et des hommes, explique que les choses ont pris une telle tournure parce que "les deux hommes, issus de la même famille, veulent à tout prix le pouvoir et leur pulsion a pris le dessus sur leur intelligence".
La semaine dernière, le psychiatre Jean-Paul Mialet avait commenté sur Atlantico les résultat de l'élection du 18 novembre. Jean-François Copé l'aurait emporté parce qu'à la différence de François Fillon, il "s'était mis dans une situation psychologique de conquérant", parvenant ainsi à "séduire les électeurs".
Il n'y a, malgré tout, pas de quoi s'inquiéter de la santé mentale des duettistes de l'UMP. Après tout, conclut Serge Hefez, les politiques "sont des hommes comme les autres".
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