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mercredi 28 novembre 2012

Qui peut se passer des directeurs de prison  ?

27 novembre 2012

Dialogue social inexistant, absence de vision stratégique et politique, méconnaissance de nos conditions de travail : notre rôle, primordial pour la société, n'est pas reconnu...

Nous, directeurs des services pénitentiaires, sommes, au sein de notre administration, à peine 500 sur 34  147 personnes dont 25  387 affectées à la surveillance. Si nous ne sommes pas parmi ceux amenés à être le plus souvent au contact des détenus, nous vivons et pensons la prison à temps plein. Notre métier est difficile mais extraordinairement humain et passionnant. Nous l’aimons parce qu’il nous conduit à affronter un environnement complexe auquel nous cherchons à donner du sens ; une quête de sens liée à la place de la peine et de la prison dans notre société. Quelle est donc la colère de ces si discrets serviteurs de l’Etat que nous sommes  ?
Dialogue social inexistant, absence de vision sur les missions qui nous sont confiées, méconnaissance de nos conditions de travail, dénigrement de notre place au sein de l’institution, absence de visibilité sur le chantier de notre réforme statutaire et politique absurde sur nos logements de fonctions… Chaque année compte davantage de départs de collègues directeurs vers d’autres administrations que la précédente.
A qualification équivalente, les hommes et les femmes qui ont choisi cette voie n’ont pourtant opté ni pour la facilité ni pour la reconnaissance sociale ou le prestige que leur aurait offert une mission au sein de la police, de la magistrature ou du corps préfectoral. Dans un contexte de surpopulation pénale et de diminution des crédits, c’est pourtant nous qui organisons la vie de la prison, qui tentons de la rendre plus humaine, sûre et utile, non seulement pour les personnes dont nous avons la charge mais aussi pour la société.
Nous recevons en entretien chacun des détenus «arrivants», nous présidons des commissions de discipline ou participons aux commissions d’application des peines avec les magistrats et les travailleurs sociaux. Mais nous devons aussi organiser la circulation et la sécurité de toutes les personnes présentes dans l’établissement, intégrer au mieux la vingtaine d’associations ou de partenaires intervenant chaque jour dans les murs, ou, avec les directeurs des services d’insertion et de probation, concevoir des plans de lutte contre la récidive ou d’animation de la vie en détention.
Mais nous payons cher l’attachement à notre métier et la quête de sens que la société entend lui donner. Soumis à un statut spécial, nous n’avons pas le droit de grève et sommes aussi soumis à une obligation de réserve aggravée par une communication externe verrouillée par l’échelon national. L’administration pénitentiaire agit trop souvent comme une «petite muette» effarouchée qui infantilise ses cadres. Nous sommes en outre soumis à des astreintes régulières, parfois une semaine complète sur deux, pendant lesquelles nous devons nous situer vingt-quatre sur vingt-quatre à moins de quinze minutes de notre établissement. Autre contrainte, l’obligation de mobilité : les directeurs doivent «muter» tous les 3 à 4 ans, peu importent les coûts de ces déménagements, l’impact sur la vie sociale et familiale ou la perte d’emploi du conjoint.
Alors oui, les directeurs en établissement bénéficient d’un logement de fonction. Mais il est la conséquence de ces obligations statutaires. Non choisi, il est une contrainte supplémentaire plutôt qu’un avantage : fréquemment inadapté à la composition de la famille ou à rénover sur nos deniers, ce logement est souvent situé à moins de 200 mètres de l’établissement, quel qu’en soit l’environnement, zone industrielle ou commerciale, autoroute ou campagne.
Ce que nous réclamons, face à une direction nationale aveugle à notre malaise, c’est davantage de reconnaissance interne, de dialogue social et de présence de notre corps dans notre administration centrale. La majorité d’entre nous est affectée dans des maisons d’arrêts, centres de détention, maisons centrales ou au sein des directions régionales. D’autres, même s’ils sont minoritaires parmi les cadres, sont affectés à l’administration centrale. Aucun directeur des services pénitentiaires n’a jamais occupé les fonctions de directeur de l’administration pénitentiaire ou d’adjoint ; peu occupent celles de sous-directeurs et aucun ne fait partie des effectifs du cabinet conseillant la ministre de la Justice… sur les questions pénitentiaires.
Pourtant «corps de conception et de direction», nous sommes relégués à des fonctions de simples exécutants, corvéables à merci, pendant que magistrats, préfets et administrateurs civils occupent les postes de définition des politiques pénitentiaires et produisent parfois décisions inadaptées et injonctions contradictoires que nous devons ensuite faire vivre sur le terrain. Existe-t-il une autre administration qui oserait ne pas positionner ses propres cadres aux postes à haute responsabilité  ? N’oubliez pas ceux qui vivent et pensent la prison au quotidien. Ils n’en peuvent plus du mépris institutionnel dont ils font l’objet.
(1) Syndicat national des directeurs pénitentiaires. www.sndp.eu

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