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dimanche 7 avril 2024

Billet Mort de Shamseddine à Viry-Châtillon : la faute à tout le monde

par Rachid Laïreche   publié le 5 avril 2024

Le décès de l’adolescent dans l’Essonne vient allonger la longue liste des jeunes qui meurent dans les quartiers. Personne ne doit s’habituer à ces règlements de compte et ces rixes, qui ont besoin d’une réelle politique publique.

Shamseddine est mort. Il avait 15 ans. Il a été frappé à la sortie du collège les Sablons de Viry-Châtillon, dans l’Essonne. C’était jeudi. Le gamin a succombé à ses blessures vendredi. Le maire de la ville, Jean-Marie Vilain, passe sur toutes les télés. Il pleure, impuissant, déboussolé, choqué et malheureux. Comment trouver les mots ? Il pense à la mère de Shamseddine. Comment vivre après ça ? Le gouvernement a réagi. Le président de la République aussi«Nous serons intraitables contre toute forme de violence» et «il faut protéger l’école de ça». Emmanuel Macron a également exprimé son «plein soutien» et sa «compassion» pour l’adolescent. La situation n’est pas nouvelle. Des enfants meurent dans les quartiers. Tout le temps ; toute l’année.

Des règlements de compte, des rixes, des embrouilles. On peut appeler ça comme on veut. Des gamins remplissent les colonnes de la rubrique faits divers. Des brèves parfois. Quelques lignes seulement pour annoncer la mort de gamins. On passe à autre chose le lendemain en laissant des familles entières et des quartiers traumatisés. Le sociologue Marwan Mohammed a recensé plus de 130 morts, dans les affrontements entre bandes en trente ans, dans son dernier livre Y a embrouille (Stock). Il y a les morts et les autres. Ceux qui ne se rendent plus à l’école ou dans la ville pour ne pas croiser l’ennemi. Ils restent cloîtrés dans leur quartier. Des assignés à résidence. Ceux qui ont honte de crier leur peur. Des jeunesses bousillées.

Désert mortel

La faute à qui ? Tout le monde. Les politiques d’abord. Les quartiers manquent de tout : éducateurs, associations, moyens financiers, etc. Un désert mortel. Des services publics fantômes. Toujours plus simple de trouver des formules chocs pour dénoncer le mal – qui est réel. De ranger les jeunes derrière des mots comme «parasites» ou «séparatisme» afin de rafler la voix des extrêmes qui se préoccupent peu des gamins qui meurent entre les tours. Les maires se retrouvent souvent seuls avec des drames qui les dépassent. Les règlements de compte, les embrouilles et les rixes ont besoin d’une réelle politique publique. Marwan Mohammed disait cette phrase dans Libération : «Le discours politique visant à déresponsabiliser l’Etat ou la société en criminalisant les jeunes et en accusant les familles témoigne d’une volonté de s’extraire de l’explication sociologique et de renvoyer ça sur l’individu.»

Les médias aussi. Nous avons notre part de responsabilité. En novembre, Thomas, un gamin de 16 ans, est mort à Crépol dans la Drôme. Il a reçu un coup de couteau au thorax à la fin d’un bal. Un drame qui était sur toutes les ondes, télés et journaux. De nombreux incendiaires ont tenté de mettre face à face deux jeunesses du pays pour alimenter leur fameuse «guerre de civilisations». Des clics, des clashs et des voix à gagner sur le dos des gamins. Chaque gamin qui meurt doit être un événement en laissant de côté ses fantasmes. Personne ne doit s’y habituer ou regarder ailleurs. Comment faire pour que ça s’arrête ? Comment on raconte le pire ? Chacun à sa place doit se poser la question. Shamseddine est mort. Il avait 15 ans.


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