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vendredi 15 décembre 2023

Chronique «Aux petits soins» Les droits des patients existent, mais ils restent bien difficiles d’accès

par Eric Favereau   publié le 12 décembre 2023

Dans une déclaration inédite, la Haute Autorité de santé appelle à un renforcement des droits des patients et à l’exercice d’un droit d’accompagnement plus effectif. Sera-t-elle entendue ?

Voilà une bonne nouvelle. La Haute Autorité de santé (HAS) publie ce mardi 12 décembre un texte inédit, de sa propre initiative, sur les droits des patients et leur effectivité. Même si la HAS garde sa mauvaise habitude d’utiliser un langage bureaucratico-sanitaire, il faut se satisfaire des petits pas… «Nous souhaitons exprimer un message fort. Les patients ont des droits, mais ils ont bien du mal à pouvoir les exercer», analyse le président de la HAS, le professeur Lionel Collet, qui rappelle que parmi les sept membres du collège, deux sont des représentants des patients, Christian Saout et Claire Compagnon.

Dans ce texte, la Haute Autorité de santé rappelle en préalable que«les deux dernières décennies du XXe siècle ont été marquées par d’importantes mobilisations des associations d’usagers et des actions judiciaires retentissantes» et «qu’au terme de ces évolutions, trois piliers concrétisent ce que l’on appelle en France la démocratie sanitaire». D’abord, les droits individuels des personnes, comme l’accès au dossier médical, l’obligation de recueil du consentement dans le domaine du soin, le droit au projet personnalisé et à l’autodétermination de la personne. Ensuite, les droits collectifs, comme la représentation des usagers dans des commissions mises en place par les administrations publiques ou encore la possibilité de mener des actions de groupe devant les juridictions.

Enfin, «la conduite d’actions de renforcement des capacités des usagers par la mise en place de services publics d’information, de programmes d’éducation thérapeutique, d’actions d’accompagnement, d’actions de médiation en santé et plus récemment, une expérimentation des projets d’accompagnement à l’autonomie en santé». Sur le papier, c’est parfait : renforcer l’autonomie du patient. Dans la pratique, la HAS souligne une dissymétrie «entre professionnels de la santé et usagers». «Celle-ci reste massive dans bien des domaines au point d’appeler de nouvelles évolutions. On ne demande pas une nouvelle loi», insiste le professeur Collet, «mais l’effectivité des droits actuels».

Les droits ne suffisent pas

Comment passer aux actes ? Une loi a été votée, il y a plus de vingt ans. Le texte insiste sur «la promotion de l’engagement et de la participation des usagers auprès des professionnels de santé». Et après ? «Les dimensions d’écoute, de reconnaissance de l’expérience et de l’expertise des patients, de partage décisionnel notamment ne vont pas de soi», poursuit la HAS. Puis ce rappel : «La situation des droits existants est source d’interrogations sur leur effectivité comme le montre une série de rapports autant que les saisines en justice. Ce qui ne manque pas d’être regrettable dans un pays qui prône le respect de l’Etat de droit.»

En somme, les patients ont des droits, mais on ne les écoute pas, ou on les ignore. Ce qui renvoie à une maladie bien française : les droits ne suffisent pas, il faut donner des moyens pour qu’ils puissent être exercés. Par exemple, l’information comme le recueil du consentement font souvent défaut, ainsi que l’accès à son dossier médical. Sans parler des choix autour de l‘entrée en Ehpad ou de la fin de vie. Dans ce contexte, la Haute Autorité de santé «plaide pour que les contrôles des autorités administratives soient plus denses».

«Un droit d’interpellation ?»

Enfin, sur le volet de la représentation des usagers, la HAS note un certain ralentissement. «Cette représentation instituée par les textes ne répond pas aux attentes des associations au point qu’elles en sont parfois découragées [ce qui] ouvre un risque de désengagement d’une démocratie ressentie comme trop formelle et /ou inéquitable. Par exemple, elles font le reproche d’être en trop petit nombre dans chacune de ces instances où elles peinent à faire valoir leurs points de vue.»

Paradoxalement, au même moment, France assos santé – qui regroupe toutes les associations de malades agréées – a rendu publique une étude sur les représentants des usagers dans les structures de santé en France. Bref, ceux qui font vivre la démocratie sanitaire. Qui sont-ils, que font-ils ? A quoi servent-ils ? Leur existence, voire leur utilité, sont méconnues. Aujourd’hui, ils sont 15 000 représentants des usagers (RU), censés donc tous défendre les droits des usagers de la santé, notamment au sein des hôpitaux. Dans ce travail, France assos santé a interrogé 1 168 personnes : le plus jeune a 22 ans, le plus âgé 92 ; plus de la moitié d’entre eux travaille ou travaillait dans le monde juridique, de la santé ou du secteur social. Comme on pouvait s’y attendre, les retraités sont majoritaires. Bonne et surprenante nouvelle, ils y croient, au point que «73% des RU souhaitent renouveler leur mandat, 86% se sentent entendus, 83% voient des actions concrètes mises en place après leurs interventions et 88% se sentent utiles».

«Leur présence est indispensable, insiste auprès de Libération le professeur Lionel Collet. Il faut leur donner plus de force, plus de poids. Il ne suffit pas d’être présent. Comment faire pour qu’ils soient mieux entendus ? Un droit d’interpellation ?» Et d’insister encore sur le droit à l’accompagnement. «Aujourd’hui, 44 % des Français prennent un traitement quotidien, 12 millions ont une maladie chronique.» Assurément, si tous ces patients prenaient la parole, cela changerait un brin le fonctionnement du monde de la santé.


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