Le Monde avec AFP Publié le 04 décembre 2023
Bernard Granger, professeur de psychiatrie à l’université Paris Cité, déplore « une réaction à chaud où l’on cherche des responsables », et pointe « les incertitudes toujours très grandes sur les passages à l’acte ».
Face aux accusations de « ratage » dans le suivi psychiatrique de l’auteur de l’attaque de Paris, des psychiatres s’émeuvent d’une mise en cause « à chaud » dans une affaire mêlant djihadisme et pathologie, et dénoncent « une attaque grossière contre une profession déjà maltraitée ».
Gérald Darmanin a mis en avant, lundi 4 décembre, un « ratage psychiatrique » dans le suivi du jeune islamiste radical ayant perpétré l’attentat mortel au couteau près de la tour Eiffel samedi soir à Paris, ajoutant que « les médecins ont considéré à plusieurs reprises qu’il allait mieux ».
« La communauté psychiatrique commence à s’émouvoir des propos du ministre de l’intérieur. Parler d’un raté de la psychiatrie, c’est une attaque assez grossière contre notre profession, déjà maltraitée », déclare à l’Agence France-Presse Bernard Granger, professeur de psychiatrie à l’université Paris Cité. Il déplore « une réaction à chaud où l’on cherche des responsables », et pointe « les incertitudes toujours très grandes sur les passages à l’acte ».
Une personne « peut passer à l’acte malgré un traitement bien pris »
« C’est un peu fort de café, abonde Michel Triantafyllou, président du syndicat des psychiatres d’exercice public. Associer les troubles psychiatriques à la commission d’actes terroristes est pour le moins hasardeux, pour ne pas dire démagogique. »
Pour Jean-Pierre Salvarelli, vice-président du syndicat des psychiatres des hôpitaux, « la surexposition psychiatrique sert aux politiques à se dédouaner de leurs responsabilités » face aux maux de la société.
« Qu’est-ce qui a prévalu [chez l’assaillant] : l’idéologie djihadiste ou la pathologie mentale, qui a aussi pu être redéclenchée ou aggravée à la lueur des événements au Moyen-Orient ? », s’interroge Alain Mercuel, coordonnateur des équipes mobiles psychiatrie et précarité d’Ile-de-France et psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne.
Face aux accusations de « ratage » dans le suivi psychiatrique de l’auteur de l’attaque de Paris, des psychiatres s’émeuvent d’une mise en cause « à chaud » dans une affaire mêlant djihadisme et pathologie, et dénoncent « une attaque grossière contre une profession déjà maltraitée ».
Gérald Darmanin a mis en avant, lundi 4 décembre, un « ratage psychiatrique » dans le suivi du jeune islamiste radical ayant perpétré l’attentat mortel au couteau près de la tour Eiffel samedi soir à Paris, ajoutant que « les médecins ont considéré à plusieurs reprises qu’il allait mieux ».
« La communauté psychiatrique commence à s’émouvoir des propos du ministre de l’intérieur. Parler d’un raté de la psychiatrie, c’est une attaque assez grossière contre notre profession, déjà maltraitée », déclare à l’Agence France-Presse Bernard Granger, professeur de psychiatrie à l’université Paris Cité. Il déplore « une réaction à chaud où l’on cherche des responsables », et pointe « les incertitudes toujours très grandes sur les passages à l’acte ».
Une personne « peut passer à l’acte malgré un traitement bien pris »
« C’est un peu fort de café, abonde Michel Triantafyllou, président du syndicat des psychiatres d’exercice public. Associer les troubles psychiatriques à la commission d’actes terroristes est pour le moins hasardeux, pour ne pas dire démagogique. »
Pour Jean-Pierre Salvarelli, vice-président du syndicat des psychiatres des hôpitaux, « la surexposition psychiatrique sert aux politiques à se dédouaner de leurs responsabilités » face aux maux de la société.
« Qu’est-ce qui a prévalu [chez l’assaillant] : l’idéologie djihadiste ou la pathologie mentale, qui a aussi pu être redéclenchée ou aggravée à la lueur des événements au Moyen-Orient ? », s’interroge Alain Mercuel, coordonnateur des équipes mobiles psychiatrie et précarité d’Ile-de-France et psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne.
L’arrêt du neuroleptique a peut-être « favorisé le passage à l’acte car l’individu a pu décompenser », mais une personne « peut passer à l’acte malgré un traitement bien pris », relève Alexandre Baratta, qui exerce en unité de soins intensifs psychiatriques à Sarreguemines.
Dans son unité, « trois patients souffrent de maladies mentales graves, présentent une grande perméabilité à l’islamisme radical, ne passeraient pas forcément à l’acte mais peuvent être instrumentalisés » car leur pathologie les rend « vulnérables » et « plus violents », explique-t-il. En cas de « signes d’alerte », le médecin peut prévenir le juge d’application des peines.
« Grand mépris du gouvernement »
L’assaillant à Paris, fiché pour radicalisation islamiste (FSPRT), était « soumis à une injonction de soins impliquant un suivi psychiatrique resserré et contrôlé par un médecin coordinateur » jusqu’à la fin de la mise à l’épreuve le 26 avril 2023, après une nouvelle expertise psychiatrique, a expliqué dans la soirée du dimanche 3 décembre le procureur antiterroriste, Jean-François Ricard.
Fin octobre, la mère de l’assaillant, voyant que son fils « se repliait sur lui-même », avait effectué un signalement à la police, qui avait vainement tenté de le faire examiner par un médecin et hospitaliser d’office, en l’absence de troubles, selon une source proche du dossier. La mère ne voulait pas demander l’hospitalisation forcée.
Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a réclamé dimanche que les autorités « puissent exiger une injonction de soins » pour une personne radicalisée suivie pour troubles psychiatriques afin de prévenir des passages à l’acte.
« Il est très difficile de soigner des personnes sous contrainte, surtout si l’idéologie est massive », souligne Alain Mercuel, de l’hôpital Sainte-Anne. « L’injonction de soin peut être utile, mais n’est pas un remède magique », considère Bernard Granger, qui évoque aussi « des difficultés de mise en place » (délai, manque de personnel). Et « la procédure d’hospitalisations sous contrainte donne des garanties. On ne va pas revenir aux lettres de cachet de l’Ancien Régime ».
Actuellement, des soins psychiatriques sans consentement sont possibles sur demande du préfet en lien avec un trouble grave à l’ordre public, « si un expert médical a prononcé l’injonction de soin et si une pathologie mentale nécessite le soin », précise Michel David, ancien président de la Fédération française de psychiatrie.
Plusieurs acteurs hospitaliers pointent aussi la « déliquescence de la psychiatrie », en profonde crise. « En 1999, l’hôpital public suivait 1 million de personnes. On est aujourd’hui entre 2,3 et 2,4 millions de malades, avec moins de psychiatres », rappelle Jean-Pierre Salvarelli. Les principales organisations de psychiatres hospitaliers ont dénoncé à maintes reprises le « délabrement avancé » du secteur et le « grand mépris du gouvernement ».
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