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mardi 15 août 2023

L’usage détourné de l’Ozempic fait encore tiquer

Paris, le jeudi 3 août 2023

Six mois après une première alerte, l’ANSM s’inquiète à nouveau de l’usage détourné de l’Ozempic (semaglutide) un analogue du GLP-1 destiné aux patients diabétiques mais utilisé pour perdre du poids.

L’Agence nationale du médicament (ANSM) continue sa croisade contre Tik Tok. En février dernier, le gendarme du médicament s’inquiétait du nombre toujours plus important de vidéos publiés sur le réseau social chinois dans lequel des influenceurs faisaient la promotion de l’Ozempic, un médicament normalement réservé au traitement du diabète de type 2 insuffisamment contrôlée développé par le laboratoire danois Novo Nordisk.

Commercialisé en France depuis 2019, l’Ozempic a pour principe actif le sémaglutide, un analogue de l’hormone GLP-1. Comme tous les autres analogues de l’hormone GLP-1, le sémaglutide a pour effet de réguler la glycémie et de diminuer l’appétit. Il peut par conséquent entraîner une perte de poids de 10 à 15% du poids initial.

L’usage détournée se fait au détriment des diabétiques rappelle l’ANSM

C’est cet effet secondaire qui est recherché par les influenceurs qui vantent les mérites de ce médicament, qu’ils présentent comme un produit miracle permettant de perdre du poids sans régime ni activité physique. Malgré la première alerte de l’ANSM en février dernier, le phénomène continue et l’agence tire de nouveau la sonnette d’alarme ce lundi.

En analysant les données de l’Assurance Maladie, l’ANSM conclut même que le mésusage de l’Ozempic est en augmentation. Ainsi, sur les 200 000 patients environ bénéficiant d’une prescription d’Ozempic en France, au moins 1,4 % n’était pas diabétique fin mai 2023, contre 1 % en septembre 2022 et 0,7 % en mai 2022. Une augmentation lente mais continue du mésusage.

Rappelons que le laboratoire Novo Nordisk commercialise également une autre version de ce médicament, plus fortement dosée en sémaglutide, appelé Wegovy et destiné à aider à la perte de poids chez les personnes obèses. En France, sur avis de la Haute Autorité de Santé (HAS), il n’est pour le moment pris en charge que chez les personnes souffrant d’une obésité sévère (IMC supérieur à 35).

Si l’usage détournée de l’Ozempic inquiète autant les autorités, c’est en premier lieu parce qu’il risque de provoquer des difficultés d’approvisionnement pour les patients diabétiques qui en ont réellement besoin, dans un contexte général de pénurie de médicaments. « Ce mésusage se fait au détriment des personnes diabétiques de type 2 » affirme l’ANSM dans un communiqué, dans laquelle elle rappelle aux médecins de ne prescrire l’Ozempic qu’aux patients diabétiques, « conformément à son autorisation de mise sur le marché ».

La France n’est malheureusement pas le seul pays touché par ce phénomène : en début d’année, la mode de l’Ozempic sur Tik Tok avait provoqué des ruptures de stock en Australie et aux Etats-Unis. Le risque s’est cependant quelque peu éloigné depuis que le laboratoire Novo Nordisk a sensiblement augmenté sa production.

Des possibles effets secondaires psychiatriques

Outre le problème de l’approvisionnement, les spécialistes rappellent que le sémaglutide et plus globalement les analogues du GLP-1 ne sont pas des produits anodins. Ils présentent de nombreux effets indésirables tels que des nausées, des diarrhées mais aussi « des risques plus rares mais plus graves comme des pancréatites aigues, des troubles biliaires, de rares cas de constipation sévère qui peuvent conduire à l’obstruction intestinale et un risque accru de cancer de la thyroïde » explique le Pr Jean-Luc Faillie, professeur de pharmacologie au CHU de Montpellier. Si ces risques peuvent être acceptables pour une personne diabétique ayant besoin de l’Ozempic pour réguler sa glycémie, la balance bénéfices-risques devient en revanche négative pour ceux qui ne recherchent qu’une perte de poids à visée esthétique.

L’ensemble des effets secondaires de ces médicaments utilisés depuis quelques années seulement ne sont d’ailleurs pas encore tous connus. Le 11 juillet dernier, l’Agence européenne du médicament (EMA) a fait état d’un signalement préoccupant venu de l’agence du médicament islandaise : le sémaglutide et l’iraglutide, un autre analogue du GLP-1 utilisé dans le traitement du diabète, provoquerait une hausse des idées suicidaires et du risque d’automutilation. Faisant état d’environ 150 signalements de patients présentant de tels troubles mentaux, l’EMA a lancé une enquête en novembre.

Pour leur part, l’ANSM et l’Assurance Maladie souhaitent désormais organiser une réunion à la rentrée avec les associations de patients et de professionnels de santé « afin de faire un nouveau point d’étape et définir un plan d’action concerté en fonction des dernières données disponibles ».

Quentin Haroche

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