par Anaïs Moran publié le 16 août 2023
Toujours piégée par des températures caniculaires, la ville fournaise de Phoenix, aux Etats-Unis, compte déjà ses morts. Selon le département de santé publique du comté de Maricopa, pas moins de 300 personnes pourraient être décédées à cause de la vague de chaleur qui s’est abattue en juillet dans la capitale de l’Arizona. Si le mois de juillet a été le plus torride jamais enregistré sur Terre, Phoenix elle, a battu tous les records aux Etats-Unis, dépassant les 43° C sans discontinuité entre le 30 juin et le 30 juillet. Jamais la métropole, pourtant habituée à un climat désertique et aride, n’avait connu pareil enfer. Et cette épreuve est loin d’être terminée, puisque le service météorologique national américain (NWS) vient de lancer un «avertissement de chaleur excessive» pour ces mercredi 16 et jeudi 17 août. Les 44° C pourraient être atteints en journée et les nuits ne pas redescendre sous les 32° C. «Risque extrême de stress thermique et de maladie pour l’ensemble de la population. Evitez l’exposition au soleil de 10h à 18h», alerte le NWS.
De son côté, la gouverneure démocrate de l’Arizona, Katie Hobbs, a décrété l’état d’urgence dans tout l’Etat depuis vendredi 11 août et annoncé l’ouverture de deux nouveaux centres de refroidissement pour Phoenix et son 1,6 million d’habitants. «La chaleur extrême menace notre santé. Cela peut entraîner des maladies, des visites aux urgences et même des pertes de vie. Les Arizoniens méritent qu’on agisse. J’utiliserai toutes les ressources à ma disposition pour aider à assurer leur sécurité», s’est-elle exprimée, répondant à sa façon aux critiques de moins en moins voilées sur le nombre élevé de morts dans la ville.
Crampes, déshydratation, étourdissements
Sous l’épreuve de la chaleur, qui plus est lorsque celle-ci perdure dans le temps, le corps humain peut se dégrader violemment et souffrir d’insolations, de crampes, de déshydratation, d’étourdissements, de coups de chaleur, d’hyponatrémie (manque de sodium dans le sang), de brûlures sévères provenant du contact avec des trottoirs bouillants, et/ou de déclenchement d’une maladie cardiovasculaire. Dans les médias, les médecins hospitaliers de Phoenix racontent traiter certains patients en les perfusant de liquides froids, ou en les plaçant dans des sacs mortuaires remplis de glace - une méthode médicale d’immersion qui peut «sauver votre vie», attestent des chercheurs de l’université de Stanford, dans étude publiée en 2020. De nombreux habitants qui arrivent aux urgences présentent aussi des troubles mentaux majeurs, pour beaucoup inhérents à la dépendance aux opioïdes, qui affectent la thermorégulation et font grimper la température du corps.
Certaines pathologies entraînent des issues fatales pour les individus les plus fragiles. Ainsi, 345 morts font actuellement l’objet d’investigations poussées par le département de santé publique de Maricopa pour confirmer leur lien avec la canicule. Soit une augmentation de morts suspectes de presque 20 % par rapport à la même période l’année dernière, qui était elle-même la plus impitoyable jamais enregistrée par les autorités sanitaires du comté. Au 8 août, 59 autres cas étaient déjà officiellement «associés» aux températures extrêmes. Sur ces 59 morts, 70 % se sont produites à l’extérieur des bâtiments. Plus de la moitié de ces personnes était âgée de 65 ans ou plus, et un tiers d’entre elles était sans domicile fixe.
«Des îlots de chaleur sans pareil»
«Phoenix est une ville agencée de manière ordonnée, avec des avenues perpendiculaires typiques du modèle américain, et nous savons que ces agglomérations construites sur un réseau carré sont des îlots de chaleur sans pareil, dans lesquelles les flux d’air sont bien moindres que dans un territoire urbain désordonné comme Paris, explique Roland Pellenq, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de physique urbaine. La nuit, la chaleur absorbée par les structures en asphalte et en béton durant la journée est rediffusée dans l’atmosphère, et les températures peuvent être tout aussi invivables.»
Les principales victimes en sont les sans-abri, qui ne vivent aucun moment d’accalmie, et subissent les chaleurs étouffantes sous une tente, près d’un abribus, ou devant les portes d’un magasin. En 2022 à Phoenix, la chaleur avait entraîné la mort de 425 personnes, dont plus de la moitié uniquement durant le mois de juillet. Pas moins de 42 % de ces tragédies avaient touché des sans domicile fixe. L’été 2023 s’annonce pire.
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