par Sabrina Champenois publié le 16 mars 2023
Un jour, une publicité pour un parfum montrera un homme en string léopard alangui sur un lit, avec un regard de biche qui papillonne, et ce sera un grand progrès pour l’humanité. Notre prochain masculin expérimentera enfin un truc qui fait partie du quotidien des femmes depuis l’apparition de la réclame. Prenez ce spot pour des parfums Paco Rabanne : «Sur un fond de musique triomphante, un homme fait la course sur une moto à cornes, torse nu avec des tatouages, dans une posture de conquérant, contre d’autres véhicules dans le désert. Il fait exploser l’ensemble des véhicules concurrents. A la fin, une femme est installée derrière lui, en amazone. Elle porte une jupe à paillettes et elle lui caresse le torse de manière lascive». On n’invente rien, c’est l’Autorité publique de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) qui décrit cette caricature cheap de Mad Max, dans une très intéressante «étude sur la représentation des femmes dans les publicités télévisées» publiée le 6 mars.
L’Arcom (ex-CSA) a examiné 2 310 spots diffusés entre octobre 2021 et mai 2022, et elle a comparé les résultats à ceux d’une étude similaire réalisée en 2017. Il en ressort notamment que la sexualisation des femmes perdure, bien plus importante que celle des hommes, avec cette spécificité : «Lorsque les hommes sont sexualisés, c’est dans le cadre d’un rapport de séduction envers une femme (23 publicités représentent des hommes et des femmes dans un rapport de séduction contre une seule publicité où un homme est sexualisé seul), alors que les femmes sont plus souvent représentées dans des attitudes lascives en dehors de tout rapport romantique explicite avec un(e) partenaire (c’est le cas dans 70% des publicités qui mettent en scène une sexualisation des personnages).» La femme objet versus l’homme conquérant, comme d’hab.
«Soin du corps» pour les femmes, «aventure» pour les hommes
On peut aussi noter que dans la publicité télévisée, «88% des personnages qui effectuent une activité de bricolage, travaux ou mécanique, sont des hommes, et les activités de livraison, de jeu d’argent et d’aventure, les postes à responsabilité et les travaux d’extérieur sont occupés par au moins 70% de personnages masculins» quand, sur le versant de la sémantique, «si on regarde la répartition des mots les plus prononcés dans les publicités de l’échantillon, on constate que les mots en lien avec l’apparence et le soin du corps (“peau”, “parfum” et “lisser”) sont davantage prononcés par des femmes, alors que des termes comme “aventure” et “véhicule”, ou encore des mots en lien avec l’argent (“banque”, “parieur”) sont quant à eux davantage prononcés par des hommes». On savoure aussi cette donnée piquante, côté alimentation : dans les pubs, «les hommes sont nettement majoritaires parmi les chefs cuisiniers (86%) et les femmes plus nombreuses parmi les cuisinières domestiques (53%). […] D’ailleurs, particulièrement dans la catégorie “alimentation”, plusieurs publicités présentent encore des scenarii où les femmes s’affairent aux tâches domestiques pendant que les hommes mangent ou se divertissent».
Bon, l’Arcom pointe tout de même des «progrès marquants» : «D’une part, […] alors qu’en 2017, seuls 46% des personnages étaient des femmes, leur représentation se rapproche désormais de la réalité sociale puisqu’elles incarnent 51% des personnages contre 49% pour les hommes. Or, selon l’Insee, les femmes constituent 52% de la population française». D’autre part, dans les rôles qui leur sont attribués, les femmes sont tout de même moins passives, décoratives – «18% des femmes en 2022 contre 50% en 2017» – et «elles sont davantage expertes (7% des femmes en 2022 contre 1% en 2017) même si cette proportion est nettement inférieure à celle des hommes experts (15% des hommes)». La pub étant ce qu’elle est, femmes comme hommes sont majoritairement réduits au rôle de consommateurs.
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