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jeudi 23 mars 2023

Au rapport La Cour des comptes au chevet de la pédopsychiatrie

par Nathalie Raulin   publié le 21 mars 2023

Dans un rapport publié ce mardi, la l’institution dénonce une organisation inefficiente de l’offre de soin de pédopsychiatrie et un empilement de plans peu lisibles.

L’offre de soin de pédopsychiatrie est «inadaptée» aux besoins d’une jeunesse sortie affectée de la crise du Covid. Dans un rapport étoffé rendu public ce mardi, la Cour des comptes ne mâche pas ses mots. «Remédier aux faiblesses de l’organisation de soins de pédopsychiatrie, aux carences de la politique de prévention et à une gouvernance des politiques de santé peu efficiente est un enjeu prégnant de santé publique», martèle son président, Pierre Moscovici.

Les chiffres parlent d’eux même : sur 1,6 million d’enfants et d’adolescents souffrant de troubles psychiques, seuls 750 000 à 850 000 bénéficient actuellement de soins prodigués en pédopsychiatrie par les professionnels spécialisés (en ambulatoire et en hospitalisation partielles ou complètes). La faute à l’inégale répartition de l’offre de soins sur le territoire. «La France se situe dans la moyenne des pays européens en matière d’offre d’équipements ambulatoires comme hospitaliers mais l’accès aux soins demeure inégal selon les régions», déplore la Cour. Pivot de la prise en charge psychique des enfants, avec 360 000 jeunes accueillis en 2021, les centres médico-psychologiques infanto-juvéniles (CMP-IJ) se concentrent dans les départements urbains et denses : on en compte 56 dans le Rhône mais seulement 3 en Haute-Loire. Or cette disparité n’est pas compensée par une offre d’hospitalisation en pédopsychiatrie plus importante : en 2021, huit départements ne disposaient toujours d’aucun lit d’hospitalisation réservé aux moins de 18 ans.

Lits saturés

Mais pour la Cour, il y a plus préoccupant encore : les enfants pris en charge ne sont pas forcément ceux qui devraient l’être en priorité. «Dans l’état actuel de l’organisation des soins, et en particulier dans les CMP-IJ, une partie des jeunes patients suivis ne souffrent que de troubles légers, au détriment de la prise en charge rapide d’enfants souffrant de troubles plus sévères», souligne l’institution. De fait, le nombre de pédopsychiatres exerçant en libéral ayant fortement diminué (leur nombre a baissé de 34% entre 2010 et 2022), les familles en détresse se tournent vers les CMP-IJ pour obtenir conseils et évaluation de leurs enfants. «Submergées par les demandes, ces structures publiques s’engorgent et ne sont plus en mesure de prendre en charge les cas les plus sévères», résume Moscovici.

Interview

Non suivis, les enfants en crise atterrissent de plus en plus fréquemment aux urgences hospitalières : entre 2016 et 2021, le nombre de passages aux urgences pour troubles psychiques chez les moins de 18 ans (notamment des tentatives de suicides) a augmenté de 65%, contre 4% pour l’ensemble des passages tous motifs confondus. Or, quand ils sont hospitalisés, les mineurs ne le sont souvent pas dans un service adapté : les lits en pédopsychiatrie étant contingentés et saturés (près de 100% d’occupation…), ils sont orientés le plus souvent vers des services de pédiatrie ou vers des services pour adultes : en 2021, ils étaient 1 225 jeunes de moins de 16 ans et 3 775 de 16 et 17 ans à y avoir séjourné, alors même que «ce peut être préjudiciable à leur parcours de soins», pointe la Cour.

Pas d’«objectif clair»

Pour les sages de la rue Cambon, il faut impérativement remettre de l’ordre dans des parcours de soins chaotiques. Cela passe pour elle par un renforcement de la formation des médecins généralistes et des pédiatres dans le dépistage des troubles psychiques infanto-juvénile mais aussi dans l’information et l’orientation des patients et de leur famille. Elle suggère en outre de confier l’accueil de première ligne et la primo évaluation des patients à d’autres types de structures, comme les «maisons de l’enfance et des familles» (élargi aux adolescents) aujourd’hui en cours d’expérimentation.

De la «volonté politique» d’agir, la Cour des comptes ne doute pas. «Depuis l’adoption de la feuille de route sur la santé mentale du 28 juin 2018, il y a une mobilisation très nette en faveur de la pédopsychiatrie», salue Pierre Moscovici. L’ennui, c’est qu’à l’évidence, il n’y suffit pas. «On a l’impression que les plans s’empilent sans objectif clair ni calendrier de mise en œuvre», regrette le président de la Cour. Conséquence : l’intendance cale.«La direction générale de l’offre de soin n’a pas pu produire de documents montrant l’avancement concret des objectifs fixés par la feuille de route ou même la méthode arrêtée pour cela, notamment par les ARS», cingle le rapport. Pour sortir de la pédopsychiatrie de l’ornière, la Cour recommande de «renforcer le pilotage» du chantier et d’adopter des objectifs nationaux de santé mentale infanto-juvénile, associés à un calendrier précis et des indicateurs d’évaluation. Histoire de pouvoir en surveiller l’avancement.


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