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mardi 7 février 2023

La réaction du cerveau face à la beauté décryptée par la science

Publié le 12 janvier 2023 


CARTE BLANCHE

L’appréciation de la beauté est-elle subjective ou dépend-elle de proportions parfaites suivant par exemple les lois du nombre d’or ? La neuro-esthétique nous en apprend sur la réaction de notre cerveau face à l’objet de notre admiration, explique la chercheuse en psychologie Sylvie Chokron dans sa Carte blanche au « Monde ».


Nous tombons parfois en arrêt devant la beauté d’un reflet sur un lac, d’un visage ou encore d’un tableau. Que se passe-t-il au niveau cérébral à ce moment précis ? Une nouvelle discipline, la neuro-esthétique, s’intéresse de près au sujet de la beauté. Une grande question subsiste encore dans ce domaine. L’appréciation de la beauté dépend-elle de paramètres objectifs présents dans l’objet de notre contemplation ou est-elle déterminée par des jugements purement subjectifs ?

Platon, défenseur de la première hypothèse, a proposé que la beauté dépend des propriétés intrinsèques d’un objet qui procurent une expérience agréable à la personne qui l’observe. Les êtres humains seraient donc équipés de processus au niveau cérébral leur permettant d’entrer en résonance avec certains paramètres physiques présents dans l’objet de leur admiration. A l’inverse, la seconde proposition suggère que l’évaluation d’un spectateur est totalement subjective et n’est déterminée que par ses expériences passées et son jugement de valeur personnel. Si tel était le cas, n’importe quelle œuvre d’art, en théorie, pourrait susciter le même plaisir.

Or, lorsqu’il est question de jugement esthétique, il est un nombre magique qui a beaucoup fait parler de lui, il s’agit du nombre d’or. Notée le plus souvent φ, cette valeur approximative de 1,618 correspondrait à un ratio (environ 3/2), considéré comme parfait, entre la longueur et la hauteur d’une forme qui mettrait notre cerveau en émoi.

Un nombre qui a traversé les époques

L’histoire de ce concept est difficile à retracer. Il semblerait qu’il ait déjà été évoqué dans l’Antiquité, mais c’est surtout à la Renaissance qu’un moine franciscain italien, Luca Pacioli, le met à l’honneur et lui attribue un caractère « divin ». Au cours du XIXe et XXe siècle, les artistes vont s’intéresser à ce nombre d’or et les scientifiques vont même le rechercher dans des œuvres d’art, des scènes naturelles ou des visages que nous trouvons particulièrement harmonieux.

L’intérêt des études en neuro-imagerie est qu’elles permettent aujourd’hui de vérifier si une forme possédant ce ratio magique active nos aires visuelles cérébrales de manière spécifique. C’est exactement ce qu’ont testé dès 2007 Giacomo Rizzolatti et ses collègues de l’université de Parme et de Rome. Ces auteurs ont pu montrer que lorsque nous jugeons une œuvre d’art, nous activons deux systèmes, l’un situé dans l’insula, sensible au nombre d’or et donc aux caractéristiques intrinsèques de l’œuvre, et l’autre, situé dans l’amygdale, qui semble plutôt répondre à des critères de jugement subjectif et à nos expériences passées.

Les deux hypothèses seraient donc vérifiées ! Miho Iwasaki et ses collègues de l’université de Kobé, au Japon, ont, quant à eux, confirmé plus récemment que deux régions impliquées respectivement dans la reconnaissance visuelle et le traitement spatial, à savoir le cortex occipito-temporal et le cortex pariétal de l’hémisphère droit, sont particulièrement sensibles aux œuvres d’art qui respectent ce nombre d’or, comme la Venus de Milo ou le David de Michel-Ange – ce qui n’est pas le cas lorsqu’elles ont été déformées de manière à ne plus obéir à ce ratio magique.

Notre cerveau réagirait donc spécifiquement au nombre d’or. Mais étonnamment, d’après Adrian Bejan de l’université Duke, c’est peut-être tout simplement parce que les formes qui répondent à ce critère sont celles que nous pouvons explorer visuellement le plus facilement du fait des contraintes de notre système visuel. Ce chercheur a montré que les objets respectant ce ratio peuvent être très rapidement visualisés, en un seul coup d’œil. Face à un beau paysage ou à une œuvre d’art, rangez donc votre téléphone et regardez avec vos yeux car la beauté qui nous entoure fait directement écho à l’organisation intrinsèque de notre fabuleux cerveau que nous n’échangerions pas pour tout l’or du monde !


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