par Cassandre Leray publié le 23 août 2022
Jonathan Destin était devenu une figure de la lutte contre le harcèlement scolaire. Le jeune homme est mort ce samedi à 27 ans. «A tous ceux qui ont connu Jonathan, par son histoire, son livre, son film, dans les écoles, qui l’ont un jour croisé, lui ont parlé, vous qui nous suivez depuis tant d’années, j’ai malheureusement une triste nouvelle à vous annoncer : Jonathan est décédé samedi chez moi dans son sommeil. C’est le cœur déchiré que je vous annonce cela», écrit dans une publication Facebook sa mère, Marie-Pierre Destin, ce lundi. La cause exacte de sa mort n’est pas encore connue. Le parquet de Lille a ouvert «une enquête en recherches des causes de la mort».
Il y a un peu plus de dix ans, le nom de Jonathan Destin était sorti de l’anonymat pour se faire le symbole de la souffrance que subissent les victimes de harcèlement scolaire. Après l’avoir lui-même subi pendant six ans, il tente de s’immoler par le feu le 8 février 2011, seul au bord de la Deûle. Recouvert de flammes, l’adolescent alors âgé de 16 ans finit par se jeter dans cette rivière du nord de la France, proche de chez lui. Il est secouru et survit à ses blessures, bien que son corps soit brûlé à 72 %. S’ensuit un long chemin : après deux mois et demi de coma artificiel, il passe plusieurs années à l’hôpital et en rééducation et subit 23 opérations. Toute sa vie, il gardera sur sa peau les cicatrices de son calvaire.
«Servir d’exemple»
Jonathan Destin le répétait sans cesse : «Il faut parler» pour se sortir du harcèlement à l’école. C’est ce qu’il a fait dans un livre, Condamné à me tuer, en 2013. Un ouvrage retraçant son histoire, à la première personne : comment, dès ses 10 ans, il a subi les violences, le racket et les moqueries grossophobes mais aussi les menaces constantes. «J’avais trop honte. J’avais trop peur.» Et comment il a décidé «d’en finir» en tentant de se suicider, en février 2011 parce qu’il n’en pouvait plus. Un long récit visant à alerter l’opinion publique et sensibiliser les jeunes au fléau du harcèlement scolaire. «Aujourd’hui je sais que je me suis trompé et je voudrais que mon témoignage puisse servir d’exemple aux autres victimes de harcèlement, qu’elles le vivent dans le milieu scolaire ou professionnel», expliquait le jeune homme sur une page Facebookdédiée au soutien des victimes. Le parcours du jeune homme avait même fini par être adapté à la télévision par TF1 en 2018, avec le film «J’ai brûlé mon cœur».
Depuis quelques années, Jonathan Destin intervenait également dans les établissements afin de sensibiliser collégiens et lycéens aux violences en milieu scolaire. Ce travail de prévention, aussi éprouvant soit-il, était ainsi essentiel pour le survivant : «Je sais que chaque début d’année scolaire n’est pas toujours aussi simple […] Il y en a qui vont aller à l’école les mains dans les poches et il y en a d’autres qui vont avoir la boule au ventre», relatait-il en 2019 sur sa page Facebook, le profil encore habillé d’une vieille photo de lui, cheveux bruns courts et guitare à la main.
Un combat essentiel
Sur les réseaux sociaux, les réactions sont nombreuses et l’émotion se fait vive. «Jonathan toujours éternellement à tes côtés», écrit notamment Nicola Sirkis, le chanteur du groupe Indochine, sur Twitter, avec une photo du jeune homme en sa compagnie. «Son combat courageux nous rappelle que jamais nous ne devrons cesser la lutte contre les différentes formes de harcèlement», souligne quant à elle Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur.
Le ministre de l’Education Pap Ndiaye l’assure, le travail de prévention mené par Jonathan Destin sera poursuivi : «Jonathan Destin eut le courage de mettre des mots là où la violence et la haine du harcèlement scolaire veulent imposer le silence. Je m’engage à prolonger sa parole et son engagement à l’école, et j’adresse mes condoléances les plus vives à sa famille et à ceux qui l’ont aimé.» Une lutte d’autant plus essentielle que le phénomène est d’une ampleur indéniable : selon des chiffres du ministère de l’Education nationale, 700 000 élèves sur 12 millions sont harcelés chaque année, à l’image de Jonathan Destin. Cité par la Voix du Nord, un enseignant s’engage lui aussi à ce que le calvaire et le combat de Jonathan Destin ne soient pas oubliés : «Plus tard, je me servirai de ton histoire pour lutter contre le harcèlement scolaire auprès de mes élèves. Ton combat est le nôtre, repose en paix.»
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