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lundi 22 août 2022

A la folie (3/6) Hervé de Maupassant, la vérole de sa vie


 


par Frédérique Roussel   le 22 août 2022

Cette semaine, ­«Libé» arpente les couloirs de l’asile psychiatrique. Aujourd’hui, le frère cadet de Guy de Maupassant, qui perdit la raison et que l’écrivain, syphilitique comme lui, fit enfermer.
il y a 11 min

«J’ai conduit hier Hervé dans un asile d’aliénés de Montpellier plein de fous sordides et affreux. J’irai l’y reprendre demain», écrit Guy de Maupassant à son père en 1889. Va prospecter des établissements plus confortables, lui demande-t-il aussi, comme Ville-Evrard, en Seine-et-Oise. «Tu montreras au directeur de cette maison de santé la lettre du docteur Blanche, en lui disant que je compte lui amener mon frère mercredi dans la matinée.» Ce sera finalement le Vinatier à Bron, ouvert en 1876, considéré comme un des plus modernes d’Europe. Hervé de Maupassant est conduit à Bron en août 1889. Il a 33 ans.

Après un début de carrière militaire, il s’était investi dans sa passion pour la botanique, et il a créé une entreprise d’horticulture à Antibes. En janvier 1886, il se marie avec Marie-Thérèse Fanton d’Andon, Simone naît l’année suivante. Mais à l’été 1887, sa raison chancelle. Il tient des propos incohérents, s’irrite de plus en plus fréquemment. Une nuit, il tente même d’étrangler sa femme. Guy avertit son père le 8 février 1888 : «Hervé écrit des lettres affolées, désespérées et incohérentes qui font perdre la tête à ma mère. Je vis donc au milieu de scènes terribles de chagrin.»

Contraint de le faire interner, Guy donne rendez-vous à Hervé à Lyon, sous le prétexte de lui montrer une villa où se reposer, en réalité l’asile. Il tente de s’éclipser tandis qu’un médecin prend son frère en charge, qui le surprend à partir. «Ah ! Guy ! Misérable ! Tu me fais enfermer ! C’est toi qui es fou, tu m’entends ! C’est toi le fou de la famille !» Le docteur P. Max Simon, médecin en chef de l’hôpital psychiatrique de Bron diagnostique le 12 août : «Est atteint de paralysie générale caractérisée par du délire de satisfaction, de l’affaiblissement des qualités intellectuelles et en particulier de la mémoire et des troubles moteurs.» Hervé, comme Guy, est rongé par la syphilis.

Dix-huit mois d’inconscience

L’écrivain a l’impression d’avoir trahi son frère, qu’il voit décliner rapidement à sa visite suivante. De sa chambre du Grand Hôtel de l’Europe où il est descendu, il raconte la scène dans une lettre à la comtesse Potocka le 21 août 1889 : «Ce n’est plus un homme c’est un enfant qui est seul, qui ne comprend pas pourquoi, demande les siens, et sent bien qu’il y a en lui quelque chose d’effroyable, d’irréparable, sans savoir quoi.» Hervé meurt le 13 novembre 1889, seulement trois mois après son hospitalisation. «Hémorragie cérébrale», selon le bulletin de décès. Maupassant, qui se sait menacé lui aussi, multiplie les voyages, redouble de travail pour assumer la charge de sa famille, mais son état physique et mental ne cesse de se dégrader. En 1890, il commence l’Ame étrangère, puis l’Angélus, qu’il ne finira jamais.

Dans la nuit du 1er janvier au 2 janvier 1892, il fait une tentative de suicide au pistolet. Interné à Paris dans la clinique du docteur Emile Blanche, il meurt de paralysie générale, le 6 juillet 1893, après dix-huit mois d’inconscience presque totale.


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