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mercredi 27 juillet 2022

La grande pénurie de soignants est une réalité dans toute l’Europe

Publié le 27 juillet 2022

 Que ce soit dans les hôpitaux ou en médecine de ville, les pays européens vivent les mêmes difficultés que la France. La population est vieillissante, elle va nécessiter des soins, mais il manque de plus en plus de personnel et de moyens.

Par  et 

L’entrée des ambulanciers paramédicaux de l’hôpital Blackpool Victoria à Blackpool (Angleterre), le 17 juin 2020.

Quant à la médecine de ville, elle ne se porte guère mieux : il n’est pas rare d’attendre entre quinze jours et trois semaines un rendez-vous chez le médecin à Madrid, ce qui pousse de nombreux malades à se rendre aux urgences, saturant un peu plus un système à bout.

Canicule, reprise de l’épidémie de Covid-19 et fermetures de lits habituelles en été se sont ajoutées pour provoquer de nouvelles saturations des urgences hospitalières dans plusieurs hôpitaux madrilènes, dénoncées ces derniers jours par les professionnels. La crise du système de santé espagnol est si criante que l’on ne compte plus les manifestations, lettres ouvertes et rassemblements des blouses blanches. Le 18 juin, plus de 8 000 infirmiers ont manifesté à l’appel de tous les syndicats de la profession pour dénoncer un « manque de ressources inacceptable » et une « charge de travail insoutenable ». A Madrid, les médecins généralistes de la capitale ont fait grève, le 25 juin, après l’annonce de la suppression d’une vingtaine de centres médicaux destinés aux urgences.

« Ce dont on manque, c’est de médecins disposés à travailler dans les conditions terribles qu’on leur offre, avec parfois plus de 50 patients par jour », corrige Angela Hernandez, porte-parole du principal syndicat médical de Madrid, Amyts, qui reconnaît que c’est le serpent qui se mord la queue : pour recruter, il faut améliorer les conditions travail. Or, pour cela, il faut recruter.

  • En Grèce, départs à l’étranger et dans le privé

La clinique ORL de l’hôpital Papanikolaou, à Thessalonique, dans le nord de la Grèce, a suspendu, en juin, les opérations chirurgicales et les gardes de nuit. Avec seulement deux médecins à temps plein après le départ de plusieurs autres soignants dans le privé, le service ne peut plus fonctionner correctement. Ce cas ne fait pas figure d’exception dans un pays qui, pendant la crise économique des années 2010-2018, a vu quelque 20 000 médecins partir à l’étranger et près de 2 000 soignants être licenciés dans le secteur public. Un mouvement qui s’est poursuivi pendant l’épidémie de Covid-19.

« Plusieurs de mes collègues expérimentés, qui étaient à bout avec la crise du Covid-19 et qui n’avaient aucune motivation pour rester, se sont tournés vers le privé. Les plus jeunes continuent de partir à l’étranger », note Christos Karachristos, pneumologue à l’hôpital Papanikolaou. En Grèce, le salaire de base d’un médecin hospitalier est d’environ 1 200 euros par mois et, après quinze ans d’ancienneté, de 1 900 euros seulement. « La plupart des services hospitaliers manquent de personnels, car les départs à la retraite ne sont pas remplacés, il n’y a pas de recrutement de personnel médical permanent », explique également Christos Karachristos.

« En raison du manque d’anesthésistes, des chirurgies ne peuvent pas avoir lieu, ou sont retardées, et les patients se tournent finalement vers le privé quand ils en ont les moyens », souligne, de son côté, le président des médecins hospitaliers de Réthymnon, en Crète, Emmanouil Christodoulakis. La Grèce dispose de 3,4 infirmiers pour 1 000 habitants, contre 11,9 infirmiers pour 1 000 habitants en France.

Plusieurs îles, comme Samothrace, n’ont pas d’ambulances. A Rhodes, sur les quinze salariés du SAMU grec, seulement cinq sont toujours en poste après plusieurs départs à la retraite et transferts vers d’autres régions. « Et tout ça alors qu’environ 30 % des soignants sont tombés malades et qu’il leur reste à prendre des reliquats de congés de 2020… », constate, amer, le président de l’Union des employés du SAMU du nord de la mer Egée, Filimonas Chatzistamatis.

  • La Suède se prépare à un été difficile dans les hôpitaux

L’été s’annonce noir dans les hôpitaux suédois. A Gällivare, dans le comté du Norrbotten, au nord de la Suède, la direction de l’hôpital a décidé de fermer le service de pédiatrie pour deux semaines, en juillet. Les enfants qui y sont hospitalisés vont être transférés à Sunderby, à 250 kilomètres de là. Un peu plus au sud, à Umea, toutes les opérations sont annulées, jusqu’à nouvel ordre. Partout dans le pays, les services des urgences sont débordés. Les patients attendent pendant des heures, souvent dans les couloirs. En cause : le manque de personnels.

La pénurie de main-d’œuvre dans les hôpitaux suédois n’est pas récente, mais elle est en train de s’aggraver et révèle un problème encore plus profond : le manque de médecins généralistes, qui conduit les patients à se précipiter aux urgences, faute de pouvoir obtenir un rendez-vous rapidement dans un centre de soins. Selon un calcul réalisé par le Conseil national de compétences dans la santé, il faudrait en recruter 2 500 pour atteindre l’objectif d’un généraliste pour 1 500 patients (6 000 si un médecin doit s’occuper de 1 000 patients), soit environ le double des effectifs actuels.

En 2021, 16 des 21 régions suédoises déclaraient manquer de compétences dans le secteur des soins primaires. En 2022, toutes les régions sont concernées. Selon Sofia Rydgren Stale, présidente du syndicat des médecins, les universités forment suffisamment de candidats. C’est ensuite que cela se complique : « Il n’y a pas assez de postes en internat, les files d’attente sont de plus en plus longues, parce que les régions n’ont pas suffisamment investi. »

Facteur aggravant : la désertion des médecins. Dans une enquête réalisée au printemps par le syndicat, six sur dix se disent prêts à réduire leur temps de travail ou à quitter la profession. « Nous avons vu une détérioration des conditions de travail depuis longtemps. La pandémie est la goutte qui a fait déborde le vase. Le problème principal concerne le déséquilibre entre les exigences et les ressources. Les médecins rentrent chez eux avec le sentiment de ne pas en avoir fait assez, ils souffrent d’un stress éthique », explique Mme Rydgren Stale.

Quant à la médecine de ville, elle ne se porte guère mieux : il n’est pas rare d’attendre entre quinze jours et trois semaines un rendez-vous chez le médecin à Madrid, ce qui pousse de nombreux malades à se rendre aux urgences, saturant un peu plus un système à bout.

Canicule, reprise de l’épidémie de Covid-19 et fermetures de lits habituelles en été se sont ajoutées pour provoquer de nouvelles saturations des urgences hospitalières dans plusieurs hôpitaux madrilènes, dénoncées ces derniers jours par les professionnels. La crise du système de santé espagnol est si criante que l’on ne compte plus les manifestations, lettres ouvertes et rassemblements des blouses blanches. Le 18 juin, plus de 8 000 infirmiers ont manifesté à l’appel de tous les syndicats de la profession pour dénoncer un « manque de ressources inacceptable » et une « charge de travail insoutenable ». A Madrid, les médecins généralistes de la capitale ont fait grève, le 25 juin, après l’annonce de la suppression d’une vingtaine de centres médicaux destinés aux urgences.

« Ce dont on manque, c’est de médecins disposés à travailler dans les conditions terribles qu’on leur offre, avec parfois plus de 50 patients par jour », corrige Angela Hernandez, porte-parole du principal syndicat médical de Madrid, Amyts, qui reconnaît que c’est le serpent qui se mord la queue : pour recruter, il faut améliorer les conditions travail. Or, pour cela, il faut recruter.

  • En Grèce, départs à l’étranger et dans le privé

La clinique ORL de l’hôpital Papanikolaou, à Thessalonique, dans le nord de la Grèce, a suspendu, en juin, les opérations chirurgicales et les gardes de nuit. Avec seulement deux médecins à temps plein après le départ de plusieurs autres soignants dans le privé, le service ne peut plus fonctionner correctement. Ce cas ne fait pas figure d’exception dans un pays qui, pendant la crise économique des années 2010-2018, a vu quelque 20 000 médecins partir à l’étranger et près de 2 000 soignants être licenciés dans le secteur public. Un mouvement qui s’est poursuivi pendant l’épidémie de Covid-19.

« Plusieurs de mes collègues expérimentés, qui étaient à bout avec la crise du Covid-19 et qui n’avaient aucune motivation pour rester, se sont tournés vers le privé. Les plus jeunes continuent de partir à l’étranger », note Christos Karachristos, pneumologue à l’hôpital Papanikolaou. En Grèce, le salaire de base d’un médecin hospitalier est d’environ 1 200 euros par mois et, après quinze ans d’ancienneté, de 1 900 euros seulement. « La plupart des services hospitaliers manquent de personnels, car les départs à la retraite ne sont pas remplacés, il n’y a pas de recrutement de personnel médical permanent », explique également Christos Karachristos.

« En raison du manque d’anesthésistes, des chirurgies ne peuvent pas avoir lieu, ou sont retardées, et les patients se tournent finalement vers le privé quand ils en ont les moyens », souligne, de son côté, le président des médecins hospitaliers de Réthymnon, en Crète, Emmanouil Christodoulakis. La Grèce dispose de 3,4 infirmiers pour 1 000 habitants, contre 11,9 infirmiers pour 1 000 habitants en France.

Plusieurs îles, comme Samothrace, n’ont pas d’ambulances. A Rhodes, sur les quinze salariés du SAMU grec, seulement cinq sont toujours en poste après plusieurs départs à la retraite et transferts vers d’autres régions. « Et tout ça alors qu’environ 30 % des soignants sont tombés malades et qu’il leur reste à prendre des reliquats de congés de 2020… », constate, amer, le président de l’Union des employés du SAMU du nord de la mer Egée, Filimonas Chatzistamatis.

  • La Suède se prépare à un été difficile dans les hôpitaux

L’été s’annonce noir dans les hôpitaux suédois. A Gällivare, dans le comté du Norrbotten, au nord de la Suède, la direction de l’hôpital a décidé de fermer le service de pédiatrie pour deux semaines, en juillet. Les enfants qui y sont hospitalisés vont être transférés à Sunderby, à 250 kilomètres de là. Un peu plus au sud, à Umea, toutes les opérations sont annulées, jusqu’à nouvel ordre. Partout dans le pays, les services des urgences sont débordés. Les patients attendent pendant des heures, souvent dans les couloirs. En cause : le manque de personnels.

La pénurie de main-d’œuvre dans les hôpitaux suédois n’est pas récente, mais elle est en train de s’aggraver et révèle un problème encore plus profond : le manque de médecins généralistes, qui conduit les patients à se précipiter aux urgences, faute de pouvoir obtenir un rendez-vous rapidement dans un centre de soins. Selon un calcul réalisé par le Conseil national de compétences dans la santé, il faudrait en recruter 2 500 pour atteindre l’objectif d’un généraliste pour 1 500 patients (6 000 si un médecin doit s’occuper de 1 000 patients), soit environ le double des effectifs actuels.

En 2021, 16 des 21 régions suédoises déclaraient manquer de compétences dans le secteur des soins primaires. En 2022, toutes les régions sont concernées. Selon Sofia Rydgren Stale, présidente du syndicat des médecins, les universités forment suffisamment de candidats. C’est ensuite que cela se complique : « Il n’y a pas assez de postes en internat, les files d’attente sont de plus en plus longues, parce que les régions n’ont pas suffisamment investi. »

Facteur aggravant : la désertion des médecins. Dans une enquête réalisée au printemps par le syndicat, six sur dix se disent prêts à réduire leur temps de travail ou à quitter la profession. « Nous avons vu une détérioration des conditions de travail depuis longtemps. La pandémie est la goutte qui a fait déborde le vase. Le problème principal concerne le déséquilibre entre les exigences et les ressources. Les médecins rentrent chez eux avec le sentiment de ne pas en avoir fait assez, ils souffrent d’un stress éthique », explique Mme Rydgren Stale.

L’entrée des ambulanciers paramédicaux de l’hôpital Blackpool Victoria à Blackpool (Angleterre), le 17 juin 2020.

La pénurie de soignants est généralisée, étendue au monde entier. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’il manquera 15 millions de professionnels de la santé d’ici à 2030. Si les pays à revenu faible sont particulièrement touchés, tous les pays, quel que soit leur niveau de développement, sont confrontés à des difficultés en matière de formation, de recrutement et de répartition de leur main-d’œuvre.

La tendance est connue depuis plusieurs années et les causes sont bien identifiées : la population mondiale est vieillissante, ce qui va nécessiter de plus en plus de soins, tout comme l’augmentation des maladies chroniques, alors qu’en parallèle le personnel de santé ne se renouvelle pas assez à la suite de départs en retraite, et que les capacités de formation sont limitées.

Tout cela a, de plus, été renforcé et aggravé par la crise sanitaire liée au Covid-19. Une étude de l’OMS publiée en juillet montre qu’au début de l’épidémie, en Europe, les services hospitaliers, les soins dentaires et les services de santé mentale ont été les plus perturbés. Désormais, ce sont les soins primaires et les soins d’urgence qui paient les conséquences de la crise. Tous les pays d’Europe sont concernés par cette désorganisation des soins et la pénurie de soignants. Tour d’horizon des principaux enjeux de la région.

  • En Allemagne, recours massif à la main-d’œuvre étrangère

En Allemagne, le manque de personnels soignants n’est pas un problème nouveau, mais il s’est aggravé au cours des dernières années. Selon une récente étude réalisée par le Centre de compétences pour travailleurs qualifiés pour le ministère de l’économie allemand, plus de 35 000 postes étaient inoccupés dans l’ensemble du secteur fin 2021, soit une augmentation d’environ 40 % en l’espace d’une décennie.

« La situation des personnels dans nos hôpitaux, nos maisons de retraite et nos centres de soins se détériore à vue d’œil. Si rien n’est fait, le système risque de s’effondrer », a alerté le président de la Chambre fédérale des médecins, Klaus Reinhardt, lors du dernier congrès annuel de la profession, en novembre 2021.

Face à cette pénurie, le recours à la main-d’œuvre étrangère est massif. Outre-Rhin, un médecin en exercice sur cinq est né à l’étranger. Les Syriens forment le groupe le plus important avec 5 000 médecins. Dans les maisons de retraite, plus du tiers des aides-soignants et des infirmiers vient de l’étranger, principalement des pays d’Europe de l’Est et du Sud, mais aussi du Vietnam et des Philippines.

Si plusieurs enquêtes réalisées à l’échelle locale ou régionale tendent à indiquer que le nombre de soignants a retrouvé son niveau d’avant la pandémie – voire aurait légèrement augmenté –, les prochaines années s’annoncent difficiles, le vieillissement de la population allemande nécessitant des besoins toujours croissants. Une étude publiée fin juin par le cabinet de conseil PwC estime qu’il pourrait y avoir 1,8 million de postes vacants dans l’ensemble du secteur en 2035, soit 35 %, contre environ 7 % aujourd’hui.

  • Au Royaume-Uni, le NHS au bord de la crise

L’hôpital public britannique est en crise. Le fameux National Health Service (NHS), acquis fondamental de l’après-guerre au Royaume-Uni, proposant un accès aux soins presque totalement gratuit, était déjà dans une situation difficile avant le Brexit et la pandémie, la conséquence de dix années de sous-investissement. Il comptait sur une forte proportion de citoyens étrangers pour pallier à son manque chronique de personnels – 14,6 % des équipes étaient non britanniques début 2021, dont 5,4 % venaient d’Europe.

Désormais, il craque de toutes parts. Une partie des personnels européens sont rentrés sur le continent, les listes d’attente pour les soins sont énormes : plus de 6,5 millions de Britanniques patientent pendant des semaines ou des mois pour un rendez-vous avec un spécialiste et de plus en plus d’entre eux sont obligés de se faire soigner dans le secteur privé, non remboursé, notamment en cas de diagnostic de cancer. En avril 2022, seuls 65,2 % des patients ayant consulté un spécialiste pour un soupçon de cancer avaient entamé un traitement dans les deux mois suivant ce rendez-vous, selon la British Medical Association, principal syndicat de médecins du pays.

Manque de lits dans les services d’urgence en aval, manque de médecins de ville en amont : tous les niveaux sont concernés. Les médecins étaient encore 29 364 en septembre 2015, moins de 28 000 au printemps 2022 pour une population de 65 millions d’habitants. Avant d’être poussé au départ, le 7 juillet, le premier ministre, Boris Johnson, avait promis le recrutement de 6 000 nouveaux médecins généralistes d’ici à 2024 et la construction ou la rénovation de 40 hôpitaux dans tout le pays.

Mais cette dernière promesse « avance à un rythme glacial », confiait, en juillet, au Guardian Saffron Cordery, directrice exécutive intérimaire de NHS Providers. Il y a des « interrogations autour du niveau des financements disponibles » pour ce programme, surtout depuis que le gouvernement Johnson, désormais intérimaire, n’est plus censé que gérer les affaires courantes.

  • L’ambition d’une réforme des généralistes en Belgique

Le manque de généralistes est l’un des principaux problèmes du système de santé belge et le ministre fédéral de la santé, Frank Vandenbroucke, un socialiste flamand, ambitionne de réformer en profondeur ce secteur. En Wallonie, une municipalité sur deux est jugée en pénurie et 40 en pénurie grave (moins de cinq médecins pour 10 000 habitants).

Le ministre entend toucher à un tabou en réformant le principe du financement à l’acte et en prenant en compte les autres rôles des médecins de première ligne, dans le domaine de la prévention notamment. Pour assurer la présence de généralistes sur tout le territoire, il veut créer des cabinets publics où des médecins pourraient s’installer. Il suggère aussi un allègement drastique des tâches administratives et une délégation des tâches incombant aux généralistes au profit d’autres acteurs (pharmaciens, infirmiers, employés administratifs, etc.). Autre idée encore : assurer la gratuité des soins pour les moins de 25 ans, à condition qu’ils ouvrent un dossier chez un médecin, ce qui les fidéliserait chez un seul praticien.

La carence d’infirmières et d’infirmiers est l’un des autres grands problèmes dans le royaume et il a été aggravé par la crise liée au Covid-19. Vingt mille postes sont aujourd’hui à pourvoir. Fatigués ou attirés par de meilleurs salaires (au Luxembourg voisin, notamment), les personnels ont délaissé la profession, obligeant parfois les hôpitaux à recourir à des filières douteuses, qui les contraignent, dans certains cas, à payer 10 000 euros par soignant recruté. La situation est inquiétante, selon les syndicats, qui affirment que le manque d’infirmières a entraîné de nombreux décès. « Il faut venir avec des preuves », riposte le ministre de la santé, sceptique.

  • Grèves en Espagne pour protester contre le manque de ressources

Plus de 700 000 Espagnols sont en attente d’une opération chirurgicale, selon le rapport trimestriel publié, début mai, par le ministère de la santé. Pour ces patients, le temps moyen d’attente est de 123 jours, avec de grandes disparités selon les régions autonomes, allant jusqu’à 183 jours en Aragon ou 156 en Catalogne, où 30 % des patients attendent, en moyenne, plus de six mois leur intervention.

Quant à la médecine de ville, elle ne se porte guère mieux : il n’est pas rare d’attendre entre quinze jours et trois semaines un rendez-vous chez le médecin à Madrid, ce qui pousse de nombreux malades à se rendre aux urgences, saturant un peu plus un système à bout.

Canicule, reprise de l’épidémie de Covid-19 et fermetures de lits habituelles en été se sont ajoutées pour provoquer de nouvelles saturations des urgences hospitalières dans plusieurs hôpitaux madrilènes, dénoncées ces derniers jours par les professionnels. La crise du système de santé espagnol est si criante que l’on ne compte plus les manifestations, lettres ouvertes et rassemblements des blouses blanches. Le 18 juin, plus de 8 000 infirmiers ont manifesté à l’appel de tous les syndicats de la profession pour dénoncer un « manque de ressources inacceptable » et une « charge de travail insoutenable ». A Madrid, les médecins généralistes de la capitale ont fait grève, le 25 juin, après l’annonce de la suppression d’une vingtaine de centres médicaux destinés aux urgences.

« Ce dont on manque, c’est de médecins disposés à travailler dans les conditions terribles qu’on leur offre, avec parfois plus de 50 patients par jour », corrige Angela Hernandez, porte-parole du principal syndicat médical de Madrid, Amyts, qui reconnaît que c’est le serpent qui se mord la queue : pour recruter, il faut améliorer les conditions travail. Or, pour cela, il faut recruter.

  • En Grèce, départs à l’étranger et dans le privé

La clinique ORL de l’hôpital Papanikolaou, à Thessalonique, dans le nord de la Grèce, a suspendu, en juin, les opérations chirurgicales et les gardes de nuit. Avec seulement deux médecins à temps plein après le départ de plusieurs autres soignants dans le privé, le service ne peut plus fonctionner correctement. Ce cas ne fait pas figure d’exception dans un pays qui, pendant la crise économique des années 2010-2018, a vu quelque 20 000 médecins partir à l’étranger et près de 2 000 soignants être licenciés dans le secteur public. Un mouvement qui s’est poursuivi pendant l’épidémie de Covid-19.

« Plusieurs de mes collègues expérimentés, qui étaient à bout avec la crise du Covid-19 et qui n’avaient aucune motivation pour rester, se sont tournés vers le privé. Les plus jeunes continuent de partir à l’étranger », note Christos Karachristos, pneumologue à l’hôpital Papanikolaou. En Grèce, le salaire de base d’un médecin hospitalier est d’environ 1 200 euros par mois et, après quinze ans d’ancienneté, de 1 900 euros seulement. « La plupart des services hospitaliers manquent de personnels, car les départs à la retraite ne sont pas remplacés, il n’y a pas de recrutement de personnel médical permanent », explique également Christos Karachristos.

« En raison du manque d’anesthésistes, des chirurgies ne peuvent pas avoir lieu, ou sont retardées, et les patients se tournent finalement vers le privé quand ils en ont les moyens », souligne, de son côté, le président des médecins hospitaliers de Réthymnon, en Crète, Emmanouil Christodoulakis. La Grèce dispose de 3,4 infirmiers pour 1 000 habitants, contre 11,9 infirmiers pour 1 000 habitants en France.

Plusieurs îles, comme Samothrace, n’ont pas d’ambulances. A Rhodes, sur les quinze salariés du SAMU grec, seulement cinq sont toujours en poste après plusieurs départs à la retraite et transferts vers d’autres régions. « Et tout ça alors qu’environ 30 % des soignants sont tombés malades et qu’il leur reste à prendre des reliquats de congés de 2020… », constate, amer, le président de l’Union des employés du SAMU du nord de la mer Egée, Filimonas Chatzistamatis.

  • La Suède se prépare à un été difficile dans les hôpitaux

L’été s’annonce noir dans les hôpitaux suédois. A Gällivare, dans le comté du Norrbotten, au nord de la Suède, la direction de l’hôpital a décidé de fermer le service de pédiatrie pour deux semaines, en juillet. Les enfants qui y sont hospitalisés vont être transférés à Sunderby, à 250 kilomètres de là. Un peu plus au sud, à Umea, toutes les opérations sont annulées, jusqu’à nouvel ordre. Partout dans le pays, les services des urgences sont débordés. Les patients attendent pendant des heures, souvent dans les couloirs. En cause : le manque de personnels.

La pénurie de main-d’œuvre dans les hôpitaux suédois n’est pas récente, mais elle est en train de s’aggraver et révèle un problème encore plus profond : le manque de médecins généralistes, qui conduit les patients à se précipiter aux urgences, faute de pouvoir obtenir un rendez-vous rapidement dans un centre de soins. Selon un calcul réalisé par le Conseil national de compétences dans la santé, il faudrait en recruter 2 500 pour atteindre l’objectif d’un généraliste pour 1 500 patients (6 000 si un médecin doit s’occuper de 1 000 patients), soit environ le double des effectifs actuels.

En 2021, 16 des 21 régions suédoises déclaraient manquer de compétences dans le secteur des soins primaires. En 2022, toutes les régions sont concernées. Selon Sofia Rydgren Stale, présidente du syndicat des médecins, les universités forment suffisamment de candidats. C’est ensuite que cela se complique : « Il n’y a pas assez de postes en internat, les files d’attente sont de plus en plus longues, parce que les régions n’ont pas suffisamment investi. »

Facteur aggravant : la désertion des médecins. Dans une enquête réalisée au printemps par le syndicat, six sur dix se disent prêts à réduire leur temps de travail ou à quitter la profession. « Nous avons vu une détérioration des conditions de travail depuis longtemps. La pandémie est la goutte qui a fait déborde le vase. Le problème principal concerne le déséquilibre entre les exigences et les ressources. Les médecins rentrent chez eux avec le sentiment de ne pas en avoir fait assez, ils souffrent d’un stress éthique », explique Mme Rydgren Stale.


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