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dimanche 27 mars 2022

Maisons d’accueil spécialisée Droit de vote: à Dinan, des ateliers pour aider des personnes mises sous tutelle avant la présidentielle




par Elodie Auffray, Correspondante en Bretagne  publié le 26 mars 2022 à 8h04

Dans les Côtes-d’Armor, une maison d’accueil spécialisée tente de sensibiliser ses résidents à faire leur propre choix électoral. Depuis une loi de 2019, le juge n’a plus le pouvoir de statuer sur «le maintien ou la suppression» de leur droit de vote.

La salle d’activités est tapissée de symboles civiques, legs des séances précédentes : il y a une statuette de Marianne posée sur une urne, un drapeau tricolore, une carte de France, une frise historique… Un pan de mur rappelle quelques-uns des pouvoirs du président de la République, un autre aligne les portraits de tous ceux qui ont occupé la fonction depuis De Gaulle.

Après une rapide révision, place à l’objectif du jour : se familiariser avec la liste des candidats à l’élection présidentielle. «On vous prépare pour la phase finale, ça déconne plus !» lance, aux douze présents, Yoann Le Magadou, coordinateur éducateur à la Maison d’accueil spécialisée (MAS) des Chants d’Eole, à Dinan. Alors, qui se présente ? Dans un premier temps, la confusion règne : «Chirac !»,«Mitterrand !», «Simone Veil !» lancent les participants enthousiastes.

Depuis octobre, chaque vendredi, une partie des 72 résidents de cet établissement médico-social pour adultes lourdement handicapés suit un atelier citoyen, pour se préparer à la présidentielle. Une grande première pour eux, tous placés sous tutelle. La loi du 23 mars 2019 a abrogé l’article 5 du code électoral, qui confiait au juge le pouvoir de statuer sur «le maintien ou la suppression du droit de vote de la personne protégée»Une réforme qui a «redonné la parole»aux 365 000 Français sous tutelle, se réjouit Yoann Le Magadou.

Aux Chants d’Eole, l’équipe d’éducateurs, déjà très engagée dans un travail d’ouverture sur la cité, a «sauté sur l’occasion», histoire de «ne pas attendre vingt ans avant que la loi ne se traduise dans la réalité». Car dans le secteur médico-social, «il y a des résistances culturelles, pointent Yoann Le Magadou et sa collègue Carine Quemerais. Le monde du handicap reste sous un modèle d’obédience médicale : avant d’être des citoyens, ils sont handicapés, usagers, résidents, personnes à protéger, à soigner.»

Très vite, l’ensemble des habitants de la MAS a été informé de ses nouveaux droits et, dès décembre 2019, les encadrants ont convoyé une douzaine d’entre eux à la mairie pour qu’ils s’inscrivent sur les listes électorales. Depuis, ils sont de tous les scrutins.

Le PS ? «Je croyais que ça n’existait plus»

Reste que, sur le plan politique, «c’est comme s’ils venaient d’une autre galaxie», raconte Le Magadou. Leur expliquer la chose publique «n’est pas simple», reconnaît-il, décrivant s’être retrouvé «assez démuni», avec des outils quasi inexistants pour un public très dépendant comme celui des MAS. Il a donc fallu inventer, «bricoler». «Les choses ne sont peut-être pas parfaites, mais le sujet mérite qu’on s’y attelle», affirme Carine Quemerais. Un travail de longue haleine, dans un établissement médico-social, souligne l’éducatrice. «La vie extérieure rentre plus ou moins. Ils n’ont pas les connaissances, qui amènent les questions, l’envie d’avoir un avis. Progressivement, en expliquant, ça leur donne la possibilité de s’exprimer et éventuellement de voter.»

Dans la salle d’activités, le casting de la présidentielle s’affiche au mur petit à petit. Il y a d’abord Marine Le Pen, que plusieurs ont reconnue sur la photo présentée. «C’est la fille à Le Pen», reconnaît Marie-France. «Il en reste onze à trouver. Etre citoyen, c’est du boulot !» prévient Yoann Le Magadou. «C’est pas évident, je ne savais pas qu’il y avait autant de candidats», réalise Sylvain.

Emmanuel Macron fait aussi partie des têtes connues. Pour le reste, c’est plus flou : les visages sont familiers à certains, les noms beaucoup moins. Yannick Jadot, Fabien Roussel, Valérie Pécresse ou Jean-Luc Mélenchon ne leur disent rien. Eric Zemmour ? Inconnu au bataillon lui aussi, sauf de Sylvain : «C’est celui qui est comme Marine.» «A la manière dont il se présente, c’est plutôt la droite extrême», confirme Yoann Le Magadou, avant d’accrocher son portrait tout à droite, pour matérialiser son positionnement sur l’échiquier. Quant à Anne Hidalgo, «son parti c’est le PS», informe l’éducateur. «Je croyais que ça n’existait plus» réagit Sylvain, qui se souvient que «c’était super populaire à une époque».

«On ne vote pas parce qu’untel est beau ou moche»

«Il faudra choisir parmi ces douze-là, récapitule Yoann Le Magadou à la fin de l’heure. Retenez les noms et les visages. La prochaine fois on verra ce qu’ils racontent : chacun dit ce qui lui semble le plus important. On ne vote pas parce qu’untel est beau ou moche. C’est important de bien réfléchir, votre avis comptera.»

Fabienne enfouit la tête dans ses mains, face à l’ampleur de la tâche. Pourtant, elle qui vote depuis 2020 a «hâte» d’y retourner. Elle prend aussi plaisir à ce travail préparatoire. «On discute ensemble, on raconte plein de choses», apprécie sa copine Marie-France. Gilles, lui, n’aime pas spécialement la politique, «mais voter, oui». Le quinquagénaire pense déjà au grand jour : ce matin-là, il faudra s’apprêter, peut-être sortir «un nœud papillon et un costume», et pourquoi pas «emporter les glacières et pique-niquer». Sylvain, qui n’était «pas très politique» jusque-là, trouve que «ce n’est pas facile» de s’y mettre. Mais le quadra veut «au moins essayer».

 

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