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samedi 25 septembre 2021

Tribune. Le silence des assises de la santé mentale et de la psychiatrie


 


Vendredi 24 Septembre 2021


Un appel collectif lancé par 300 signataires, dont 120 psychiatres.

TEXTE COLLECTIF

Les assises de la santé mentale et de la psychiatrie doivent se tenir, les 27 et 28 septembre 2021, sous l’égide de la présidence d’Emmanuel Macron.

Si cette initiative peut être saluée pour mettre au cœur des débats un des parents pauvres de la santé, elle risque d’être une frustration de plus pour un secteur sinistré par des années d’appauvrissement et de pénurie.

Alors que ces assises ont pour ambition d’être « historiques » et de réunir l’ensemble des acteurs de ce champ, il est étonnant de constater le nombre de problématiques invisibilisées alors même que des textes législatifs sont actuellement en cours d’élaboration. En tant qu’acteurs et observateurs de la psychiatrie de proximité, nous attirons l’attention sur des omissions surprenantes.

Omise, la réforme du financement de la psychiatrie, qui impose à compter du 1er janvier 2022 la tarification à l’activité pour la totalité des établissements psychiatriques et pédopsychiatriques, alors même que la pandémie a révélé les effets délétères de ce mode de financement pour les services de médecine, chirurgie, obstétrique.

Omis, le débat sur les pratiques de contention et d’isolement, qui augmentent de façon exponentielle depuis les trente dernières années. Pourtant, un premier texte de loi a été retoqué par le Conseil constitutionnel en juin 2021. Par ailleurs, un article a été introduit à l’intérieur de la loi de financement de la Sécurité sociale, non constitutionnel et sans débat, alors que l’inflation des pratiques de contention et d’isolement témoigne de la déliquescence actuelle de la psychiatrie. Le gouvernement doit revoir sa copie avant le 1er janvier 2022 pour que la loi réponde aux attendus de la Constitution.

Omise également, la réforme de l’irresponsabilité pénale alors qu’elle suscite une rupture des rapports entre justice et psychiatrie et induit un impact social majeur qui aurait pour le moins nécessité un débat de fond.

Omises, la désaffection et les fermetures toujours plus nombreuses de structures ambulatoires et hospitalières partout sur le territoire.

Omis encore, la désinstitutionnalisation sauvage, le manque de lieux de soins, d’accueil et d’accompagnement, la pénurie de soignants et de professionnels prenant en soin les personnes, l’inflation des « dispositifs » spécialisés ne permettant pas une prise en charge globale.

En somme, « la bonne santé mentale », objet de ces assises, s’acclimate très – trop – bien de la mauvaise psychiatrie.

Omis également, le choc de complexification des dix dernières années et la pénétration dans le champ de la psychiatrie de diverses start-up, notamment celles de la e-santé mentale ; omise, la bureaucratisation galopante censée répondre aux pénuries de soins par le biais de plateformes et de dispositifs « innovants » intégrés à la MDPH… Plutôt que de rééquiper en forces vives soignantes les services de soins.

Omis, le travail empêché, dont témoignent l’expression de la souffrance de nombreux professionnels en institutions comme en libéral ainsi que les désertions de professionnels du service public, symptomatiques d’une maltraitance institutionnelle.

Omise, l’organisation instituée de la « non-rencontre », l’évitement des liens et des collectifs.

Omise, la pluralité des patients et des familles.

Omis, le contexte de désinvestissement par l’État du service public qui touche l’école, l’aide sociale à l’enfance, la protection judiciaire de la jeunesse, les services sociaux et de secteur, les lieux d’accueil, d’hospitalité et de soins.

Au vu de l’intensité de ces problématiques, nous nous étonnons du choix des intervenants qu’illustre la conclusion de ces assises, mettant à l’honneur les start-up via France Biotech, aux côtés de l’Institut Montaigne et de la fondation FondaMental.

Nous appelons à ce que ces omissions fassent l’objet de réelles assises, des assises en chair et en os et non pas virtuelles, rassemblant une pluralité de citoyens, personnes concernées et professionnels de terrain représentant la diversité des pratiques nécessaires au soin.


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