par Charles Delouche-Bertolasi publié le 23 septembre 2021
Oubliez les «salles de consommation à moindre risque» et dites bonjour aux «haltes soin addiction», ou «HAS». La nouvelle, annoncée ce jeudi via la lecture d’un courrier d’Olivier Véran lors de l’ouverture du congrès annuel de la Fédération Addiction, a suscité de vifs applaudissements de la part des professionnels du monde de l’addiction réunis au palais des congrès de Metz.
«L’expérimentation des salles de consommation va être prolongée de trois ans avec un nouveau nom : les ‘‘haltes soin addiction’’. Afin d’en finir avec les caricatures sur les ‘‘salles de shoot’’ et insister sur l’accompagnement», a écrit le ministre de la Santé, tout en rappelant que «notre politique de réduction des risques sauve des vies». A l’heure actuelle, deux salles de consommation à moindre risque existent en France, à Paris et à Strasbourg. Ouvertes à titre de test en 2016, elles étaient censées fermer en 2022.
«Sortir des effets négatifs de représentation»
Sans préciser encore leur nombre ou leur emplacement précis, Olivier Véran a également annoncé l’ouverture de nouvelles «haltes soin addiction» au sein de Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud) déjà existants, et dans les Caarud mobiles. Ils sont au nombre de 141 dans le pays, dont 11 à Paris. Il s’agit de lieux ouverts, c’est-à-dire gratuits et sans prise de rendez-vous préalable. On y délivre aussi des conseils et du matériel, comme des pipes à crack, des seringues à usage unique, ou encore des poubelles spécifiques pour les seringues, afin de réduire les risques sanitaires lors de la consommation de drogue, extérieure au lieu. Un gros acquis.
«Dans un contexte trop souvent polémique, la reconnaissance par le ministre de la Santé de l’expertise des acteurs de terrain et des scientifiques est un signal encourageant. Le déploiement de la réduction des risques en milieu carcéral ainsi que la possibilité d’ouvrir des espaces de consommation dans les Caarud sont des revendications de longue date de la Fédération Addiction. La société et les usagers ont besoin de politiques publiques ambitieuses, cohérentes et appuyées sur des données probantes», a déclaré Jean-Michel Delile, président de la Fédération Addiction devant les quelque 1 200 personnes présentes à Metz.
«On trouve intéressant également le fait d’utiliser le mot ‘‘halte’’. C’est un mot utilisé par les usagers lorsqu’ils viennent à la salle, explique à Libération Nathalie Latour, déléguée générale de la Fédération Addiction. Cette configuration fait qu’on va sortir des effets négatifs de représentation et se concentrer sur l’explication de ces dispositifs qui ont une approche globale, avec un travail autour de l’insertion, de l’entourage ou encore du logement.»
Dans son message, le ministre a rappelé que «les addictions sont à la fois la conséquence et la cause de situations complexes. Elles appellent des réponses à la mesure de cette complexité.» Une illustration de cette volonté est la mise en place de ces haltes en version mobile, pour aller au plus près des usagers. Dans son adresse, le ministre a également salué la «mobilisation exemplaire»des professionnels de l’addiction, «au service d’un public de personnes fragiles et fragilisées par la pandémie.»
La semaine dernière, les acteurs de la réduction des risques et autres professionnels de l’addiction ont été reçus avenue de Ségur. C’est lors de cette réunion qu’ils ont appris la nouvelle. «Nous avions fait part cet été au Premier ministre de notre souhait d’avancer sur la question. Nous avons pu rencontrer Olivier Véran jeudi dernier et on se félicite de cette annonce. Elle va vers ce que nous portons depuis la loi de modernisation du système de santé, explique Nathalie Latour. En 2016 déjà, nous disions que ces dispositifs devaient être intégrés au Caarud et aux autres structures déjà existantes.»
En prolongeant l’expérimentation des salles de consommation, le ministre de la santé stabilise une politique de santé qui a fait ses preuves, comme l’avait montré un rapport de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) en mai dernier. D’autant que la semaine dernière, le Premier ministre Jean Castex a validé l’implantation de nouvelles structures dans la capitale, réclamées de longue date par la maire socialiste Anne Hidalgo.
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