- 14 JUIN 2021
- PAR MATHIEU BELLAHSEN
- BLOG : LE BLOG DE MATHIEU BELLAHSEN
En psychiatrie comme ailleurs, la destruction a son scénario. Cette transformation se fait suivant une stratégie désormais bien rodée dans d’autres services publics. A force d’être utilisé depuis vingt ans, son script se déroule maintenant sans trop d’anicroches. Retrouvé dans les tiroirs d’une obscure fondation grâce aux bons soins de l’Institut LaTeigne, nous publions ce scénario.
Serfs et vices dans le public
1) Créez une pénurie au sein du service public souhaité. Pour cela, faites vous passer pour un « pragmatique », figure légitime du XXI siècle. Consultez vos précis de management, voire de neuro-management.
2) Réorganisez. Rendez les lieux invivables tout en demandant aux usagers de s’adapter à cette pénurie construite de toute pièce. Les usagers étant celles et ceux qui ont l’usage du service (professionnels et citoyens). Tout le monde doit s’y mettre. Présentez cette pénurie sous les auspices de la modernité et de la fatalité. N’abordez jamais la réalité du définancement de la solidarité nationale au profit des intérêts privés.
D’un côté, n’hésitez pas à employer des phrases comme : « les progrès, les innovations permettent d’instaurer des dynamiques et des synergies nouvelles ». D’un autre côté, avec un air contrit et une parole d’autorité énoncez d’une voix calme et lisse : « nous n’avons plus les moyens de... », « la fête est finie », « la gabegie », « les dysfonctionnements », « le pognon de dingue »…
3) Désormais pris en étau entre progrès et régression, la problématique du service public en question s’imposera à l’aune de ce clivage. Surtout, ne vous emportez pas, le calme est votre meilleur allié pour paraître crédible. Vous pourrez d’autant mieux ridiculiser vos adversaires qu’ils s’énerveront. Plus ils seront affectés par ce qui leur arrive, mieux ce sera. Supprimer les affects de votre répertoire existentiel. Sauf dans une occasion.
4) Si un fait divers survient, remerciez les auteurs (en secret) et les victimes (en public), ils sont vos meilleurs alliés. Cette fois, mettez-vous en colère (tout en la contrôlant bien sûr) et adressez-vous à la population victime de ces services dysfonctionnels. (Souriez en secret, vous êtes en train de réussir votre coup). N’hésitez pas, utilisez cette aubaine pour cimenter le clivage innovation / régression que vous étiez en train de construire. Ce fait divers est lerévélateur d’un dysfonctionnement et d’une désorganisation. Appelez à "des changements", à "une réforme". Créez une commission, faites faire des rapports. Prenez avis auprès des think tanks et de « plateformes » d’experts que vous aurez pris soin de sélectionner auparavant. Faites une grande enquête nationale, par internet. C’est plus moderne et ça vous permet de construire le cadre de toute pièce, de mettre en avant les réponses que vous attendiez au préalable. Souriez et pensez aux serpents qui, secrètement, adorent voire jouissent de se mordre la queue.
5) Créer des documents officiels, des éléments de langage. Des rapports en cascade de fondations privées reprises par les institutions publiques martèleront ce créneau porteur : place à l’innovation, halte à la régression. Ne vous inquiétez pas, les médias colporteront ces éléments de langage sans mettre en question le fond depuis lequel ils émergent. Gardez pour vous la transformation des services publics au service d’intérêts privés. Transformez les institutions publiques pour qu’elles deviennent des « plateformes » idéologiques. Faites passer la platitude des idées pour du révolutionnaire et du radical. Si vous avez le temps, publiez un livre avec le mot « révolution » dans le titre ou tout autre de type « état d’urgence ». Regardez la tête que feront vos adversaires, réjouissez-vous (Vous êtes bientôt prêt pour le passeport PN).
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