Publié le 19/11/2020
Nombreux sont les professionnels qui se sont inquiétés des liens entre la Covid-19 et la santé mentale, et ce, dès le début de la pandémie. Mais plusieurs mois plus tard, les données précises sont encore rares, tant en ce qui concerne les conséquences de l’infection sur la santé mentale que l’impact des troubles psychiatriques sur le risque d’infection.
Un article publié dans le Lancet apporte un éclairage sur le sujet. Les auteurs ont exploité une base de données états-unienne concernant les observations de 69,8 millions de patients. Parmi eux 62 354 ont eu un diagnostic de Covid-19 entre le 20 janvier et le 1er août 2020. L’objectif était de déterminer l’incidence des troubles psychiatriques, de la démence et de l’insomnie dans les 14 à 90 jours suivant le diagnostic. Une analyse par score de propension a été menée pour éliminer les facteurs confondants (facteurs de risque de Covid-19 et sévérité de la maladie).
Incidence élevée des troubles psychiatriques après la Covid-19
Les données recueillies confirment un taux élevé de troubles psychiatriques, de démence et d’insomnie dans les suites de la Covid-19. Pendant la période considérée, une pathologie psychiatrique apparaît en effet pour la première fois chez 5,8 % des patients infectés, soit environ 2 fois plus souvent qu’après d’autres problèmes de santé (grippe, infections respiratoires, infections cutanées, cholécystite lithiasique, colique néphrétique, fracture osseuse). Au total, tous malades confondus et en incluant les patients sans antécédent psychiatrique, l’incidence des diagnostics psychiatriques après la Covid-19 est de 18,1 %.
Risque de troubles anxieux mais aussi de démence après 65 ans
Les effets psychiatriques de la Covid-19 sont toutefois loin d’être uniformes. Le risque d’anxiété est le plus important, avec une augmentation des diagnostics de tous les types de troubles anxieux majeurs. Les auteurs notent qu’il n’est pas encore possible de dire si l’anxiété post-Covid s’apparente à un stress post-traumatique. Les taux d’insomnie sont eux aussi élevés. En revanche, alors que des rapports de cas cliniques suggéraient la possibilité de troubles psychotiques, ces derniers ne sont pas retrouvés dans cette étude. L’augmentation d’incidence de la démence est quant à elle confirmée, de 1,6 % chez les patients de plus de 65 ans.
Les mécanismes à l’origine de cette augmentation du risque de trouble psychiatrique après la Covid-19 ne sont pas expliqués. La relation entre la sévérité de la maladie et ces troubles est modeste, mais pourrait constituer toutefois un indice « d’effet-dose », suggérant que l’association est en partie médiée par des facteurs biologiques directs (charge virale, dyspnée, ou la nature de la réponse immunitaire).
Les antécédents psychiatriques pourraient être un facteur de risque
L’analyse des données montre aussi que les antécédents psychiatriques sont un risque indépendant de Covid-19. L’association est observée pour tous les âges et autant chez les hommes que chez les femmes, et est significative (risque relatif 1,65 ; intervalle de confiance à 95 % 1,59 à 1,71).
Toutes les catégories de pathologies psychiatriques sont concernées, et l’ancienneté du diagnostic (1 an ou 3 ans), ou l’association avec d’autres facteurs de risque ne modifient pas le lien. Pour les auteurs, plusieurs explications sont possibles. Il peut s’agir de la conséquence de comportements à risque (par exemple non respect des recommandations de distanciation sociale), mais aussi de biais résiduels (facteurs socioéconomiques ou mode de vie). Ils estiment de plus le fait que la vulnérabilité à la Covid-19 pourrait être augmentée par l’état pro-inflammatoire lors de certaines formes de troubles psychiatriques ou par des médicaments.
Ces premières données devraient déjà permettre d’adapter la surveillance des patients psychiatriques et le suivi après la Covid-19. Les cohortes de patients atteints de Covid-19 devraient augmenter avec le temps et des études prospectives permettront de préciser ces données et peut-être d’identifier des formes plus rares ou plus tardives de séquelles psychiatriques.
Dr Roseline Péluchon
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