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Photo d'illustration. Lucas Barioulet. AFP
Le service réanimation de l'hôpital de Poitiers fait face à une vague tardive de malades. Les soignants constatent que les patients sont beaucoup plus angoissés, marqués par les images vues à la télé des malades intubés au printemps.
Ce dernier mercredi de novembre, 20 lits sur 27 sont encore occupés dans les deux unités de réanimation Covid-19 du CHU de Poitiers. Le service est calme, presque silencieux. Dans les box, photos et dessins, parfois envoyés par mail et imprimés par l’équipe, entourent des malades intubés. Une femme d’une soixantaine d’années est consciente depuis peu de temps, elle plaisante des souvenirs embrumés qu’elle garde de sa période sous sédation. Elle tient dans sa main droite une photo ; infime lien avec ses proches à l’extérieur. Pour elle comme pour les autres malades Covid-19 du service, pas de visite possible. Bientôt, elle pourra voir sa famille grâce à l’une des tablettes mises à disposition des patients stabilisés afin de rompre leur isolement.
«Grand besoin d’être rassurés»
Le personnel soignant du service réanimation a pu s’aguerrir à la prise en charge des malades au printemps, lorsque la faible pression locale de l’épidémie a permis l’accueil de trente patients venus de Grand Est et d’Ile-de-France. De l’aveu de l’équipe, la plus grande difficulté aujourd’hui est moins technique qu’humaine. Elle réside dans la capacité à rassurer des malades seuls et angoissés. «Nous n’étions pas préparés à leurs peurs. Cette angoisse des malades est ce qui est le plus dur à prendre en charge», estime Anne-Sophie Masset, infirmière en réanimation.
«C’est nouveau pour nous car les patients arrivés lors de la première vague étaient déjà inconscients. Sur celle-ci, beaucoup de malades sont conscients lorsqu’on les reçoit et certains refusent l’intubation. Ils ont été marqués par les images d’hôpitaux débordés en mars-avril et beaucoup paniquent.» Aide-soignante, Jessica Mirebeau explique : «Les patients conscients sont très en demande. Ils nous appellent souvent et ils ont un grand besoin d’être rassurés. Mais nous ne pouvons pas toujours prendre le temps de faire.» Cette difficulté à rassurer réside notamment dans la pression plus forte sur le personnel du fait de la hausse du nombre de patients cet automne.
Le service réanimation Covid du CHU de Poitiers, le seul du département de la Vienne, a encore enregistré une dizaine d’entrées de malades entre le 18 et le 25 novembre. Et l’équipe a accueilli jusqu’à six nouveaux patients en une seule journée le premier week-end de ce mois. Quant aux effectifs, ils sont restés sur une base habituelle alors qu’ils avaient pu être renforcés au printemps. «La décision de rester en effectif normal sur la deuxième vague a été prise en cellule de crise. Nous avons une meilleure connaissance du virus et nous sommes aujourd’hui plus expérimentés dans la prise en charge de ces malades», note le professeur Arnaud Thille, chef du service de réanimation.
A la différence du printemps, l’hôpital a tenu aussi à maintenir ses autres activités. Il n’y a pas eu de «déprogrammation massive des interventions», souligne Arnaud Thille. En revanche, la solidarité interrégions reprise au début de l’automne – avec l’accueil de cinq malades en provenance d’hôpitaux du Rhône et du Nord-Isère – a dû s’arrêter net, en raison de l’afflux de malades locaux à partir de début novembre.
«Des mots simples et des informations précises»
Depuis la reprise de l’épidémie en octobre, les soignants ont observé un changement de comportement des malades hospitalisés mais aussi de leurs proches. Lors de la première vague, les familles appelaient peu, de peur de déranger les équipes. Les médecins de réanimation avaient aussi instauré un point d’information téléphonique quotidien, ce qui n’a pas pu être reconduit en novembre. Du coup, le téléphone sonne plus souvent pour avoir des nouvelles. Parfois les enjeux du maintien dans le service doivent être expliqués. Comme, il y a quelques jours à ces proches d’un patient d’Auvergne-Rhône-Alpes récemment sorti du coma.
Ils ont demandé qu’il soit rapatrié au plus vite dans sa région d’origine. Ce qui est alors impossible, les services réanimation y étant encore saturés. «Pour les familles, il est difficile de savoir loin un proche désormais hors de danger mais abattu physiquement et psychologiquement, remarque le professeur Arnaud Thille. Notre travail est aussi d’expliquer et de rassurer avec des mots simples et des informations précises. L’accueil des familles est habituellement un point central en service réanimation. Le fait que les visites ne soient pas autorisées rend parfois les situations plus complexes.»
Ce temps de dialogue, l’équipe du service réanimation espère pouvoir le prendre avec moins de contraintes très prochainement. En effet, les soignants s’attendent à une baisse des entrées en réanimation dans quelques jours. Déjà le nombre d’hospitalisations simples de malades Covid-19 a commencé à refluer…
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