Publié le 16/01/2020
Il est recommandé de faire la lecture à voix haute aux enfants dès la naissance. Pour les petits d’âge préscolaire, cette pratique améliore le niveau de langue et de lecture et active les aires cérébrales consacrées à la compréhension. Cependant, le bénéfice à distance est relativement modeste. Nombre d’études ont documenté l’existence d’allèles de sensibilité dans les neurotransmetteurs dopaminergiques et sérotoninergiques. Certaines variations génétiques confèrent un risque de résultats moindres en environnement défavorable mais les sujets qui en sont porteurs peuvent avoir, en cas de stimulation positive, une évolution meilleure même en comparaison des sujets non porteurs de la variante génétique.
Des chercheurs de plusieurs universités américaines ont évalué l’importance des associations entre la lecture aux enfants à l’âge d’un an, le niveau de vocabulaire à 3 ans et la présence d’allèles de sensibilité dans les neurotransmetteurs. Les enfants étudiés ont été recrutés parmi des sujets nés en 1998-2000, venant d’une population de 77 agglomérations importantes. L’analyse a été menée dans des milieux défavorisés, les données étant tirées de l’étude : « Fragile Families and Child Welbeing Study ».
Forte association entre lecture quotidienne et niveau de vocabulaire à 3 ans
Au total, 4 898 mères ont été interrogées à la naissance de leur enfant puis par téléphone alors que les enfants étaient âgés de 1, 3, 5, 9 et 15 ans. A domicile, le développement a été évalué par des personnes habilitées à 3, 5, et 9 ans. L’analyse a été limitée à 1 772 enfants qui ont été soumis à 3 ans à un test de vocabulaire (Peabody Picture Vocabulary Test) et fait l’objet d’une analyse d’ADN à 9 ans sur échantillon salivaire. Cette population comportait 56 % de Noirs, 52 % de garçons, un quart des parents était mariés, un tiers vivait en concubinage ; 7 % des mères n’avaient pas de contact avec le père, deux-tiers des mères avaient atteint les classes secondaires. Au total, 6 % des mères rapportaient ne jamais rien lire à leur enfant, 32 % leur faisaient la lecture quotidiennement, les autres de façon intermittente ; aucun de ces paramètres n’était corrélé à la présence d’un allèle particulier. La lecture quotidienne a été fortement associée aux scores de vocabulaire à 3 ans, aussi bien en coefficient de régression B avant ajustements (B = 7,9 intervalle de confiance à 95 % IC 4,3-11,4) qu’après ajustements (B=5,3, IC 2-8,6) ; le niveau d’éducation maternelle avait le plus fort impact (+14 points).
Correction possible des désavantages génétiques
Plusieurs polymorphismes génétiques susceptibles d’influencer le développement par interactions avec l’environnement ont été étudiés : 1) 3 variantes qui affectent la fonction du système dopaminergique, sur le gène du récepteur 2 de la dopamine (DRD2), du récepteur 4 (DRD4) et du transporteur (DAT1) 2) sur le gène du transporteur de la sérotonine : le polymorphisme de longueur 5-HTTLPR. Dans cette population relativement désavantagée, la présence d’allèles de sensibilisation 5-HTTLPR et DRD2 conféraient aux enfants un risque accru de vocabulaire pauvre mais la lecture aux enfants permettait de corriger entièrement ce désavantage.
La lecture précoce aux enfants améliore leur niveau de vocabulaire à 3 ans. La présence d’allèles de sensibilisation dans les systèmes dopaminergiques et sérotoninergiques confère un risque accru de vocabulaire pauvre qui peut être corrigé entièrement par la lecture.
Pr Jean-Jacques Baudon
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