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jeudi 24 octobre 2019

Pochoirs féministes : «L’histoire des trottoirs raconte des petits bouts de notre société»

Par Alexandra Pichard — 
Des militantes dans les rues de Paris mardi soir.
Des militantes dans les rues de Paris mardi soir. Photos Marie Rouge pour Libération

Mardi soir, une cinquantaine de militantes féministes se sont retrouvées pour écrire des revendications dans Paris. Une manière d'investir la rue, majoritairement masculine la nuit.

Ce mardi soir, à 21 heures, entre les murs de la future Cité de l’égalité, dans le VIe arrondissement de Paris, une cinquantaine de militantes – et quelques militants – du collectif Nous toutes sont réunies au milieu des pochoirs et des bombes de peinture. Elles s’apprêtent à taguer les rues de Paris et d’Ile-de-France avec des messages revendicateurs : «La rue est aussi à nous toutes»«Stop aux violences sexistes et sexuelles»«Ras le viol»«Main aux fesses : 5 ans/75 000 euros», «Le métro est aussi à nous toutes». Ces petites phrases sont accompagnées d’une date : le 23 novembre, jour de la marche contre les violences sexistes.

Camille, l’organisatrice de l’action, donne les dernières consignes. «Taguez dans des zones où il y a beaucoup de passage, devant les arrêts de bus, les établissements scolaires, les sorties de métro.» Devant les lieux symboliques aussi, les lieux républicains, pour montrer que ces questions sont au cœur de la démocratie. «Demain matin, personne ne pourra fermer les yeux sur l’ampleur du mouvement féministe», nous affirme la militante.
Paris, 22 octobre 2019. Reportage lors d'une action pochoirs du groupe féministe Nous Toutes. 
#NOUSTOUTES #NousToutes
Un trottoir parisien après le passage des militantes mardi soir.
Des dizaines de petits groupes se séparent alors dans Paris. L’occasion pour les activistes d’échanger sur leur engagement. Si certaines sont des militantes aguerries, pour d’autres, il s’agit de la première action. C’est le cas de Sarah, 23 ans, qui a rejoint le collectif il y a moins d’un mois. «On parle de ces problèmes depuis des années, mais rien ne change, explique-t-elle. J’avais besoin d’une action concrète, de faire entendre ma voix, d’investir la rue.» 

Se réapproprier l’espace public

Etre légitime dans la rue, c’est également le combat d’Elise, 34 ans. Elle a toujours été marquée par la forte présence masculine dans l’espace public à partir d’une certaine heure – selon le chercheur au CNRS Yves Raibaud, spécialiste de la géographie du genre, seulement un piéton sur cinq, la nuit, est une femme. L’action militante permet alors de se réapproprier l’espace public. Entre deux pochoirs, les participantes débattent sur la symbolique de ces peintures. «Tout le monde peut lire ce qui est écrit par terre, tout le monde peut trouver ces messages sur son chemin, toutes classes sociales confondues», affirme Solène, 24 ans.
Pour Elise, les pochoirs sont un moyen de communication important dans un milieu urbain. La jeune femme fait d’ailleurs partie du collectif Pochoirs pour tous, qui recouvre les tags anti-PMA de la Manif pour tous : «L’histoire des trottoirs raconte des petits bouts de notre société, c’est un terrain qu’il faut occuper.» Un nouveau format de mobilisation, accessible à tout le monde, qui se répand de plus en plus dans les actions militantes, notamment celles du mouvement écologiste Extinction Rebellion. «C’est important d’écrire des revendications dans la rue, car ça les rend publiques et politiques», souligne Laetitia, 49 ans. 
Paris, 22 octobre 2019. Reportage lors d'une action pochoirs du groupe féministe Nous Toutes. 
#NOUSTOUTES #NousToutes
Les passants lancent des regards étonnés, parfois agacés. Certains s’arrêtent pour lire les peintures ou pour discuter. L’action interpelle et permet parfois un dialogue. «C’est illégal, ce que vous faites», lance aux militantes un homme en train d’uriner sur un mur. Pourtant, un peu plus loin, des policiers s’approchent, lisent les messages et s’en vont en demandant de ne pas taguer les murs. La législation est plus souple sur le trottoir.
Si la plupart des réactions sont bienveillantes, certains passants piétinent les peintures fraîches. Indifférence ou acte volontaire ? «Vouloir effacer la pensée et les revendications, c’est très violent, se désole Mélanie, 32 ans, qui travaille dans l’associatif. De toute façon, l’important, c’est que les pochoirs marquent les esprits. Même si ça dérange certaines personnes, ça leur laisse une trace dans un coin de leur tête. Plus ces petites phrases vont se multiplier, moins la population pourra rester indifférente.»

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