Médecins, chefs de service, infirmiers et internes se mobilisent pour dénoncer leurs conditions de travail et un système à bout de souffle, « asphyxié par la contrainte budgétaire ». Objectif : agréger les différentes colères pour obtenir un plan d’urgence.
Médecins, chefs de service, infirmiers, internes… Quelque 400 salariés de l’hôpital public ont assisté, jeudi 10 octobre, à la faculté de médecine de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, à la première assemblée générale du Collectif Inter-Hôpitaux (CIH), une structure née dans le sillage du collectif Inter-Urgences, qui représente les 260 services d’urgences en grève à travers le pays.
But de ce rassemblement transcatégoriel sans précédent depuis plus de dix ans : agréger les différentes colères qui agitent un hôpital public épuisé par des années de restriction budgétaire et obtenir un « plan d’urgence » avec « un financement à la hauteur des besoins de santé de la population ». « Nous sommes à la croisée des chemins, c’est la dernière chance de sauver l’hôpital public auquel nous croyons tous et qui étouffe, asphyxié par la contrainte budgétaire », a fait valoir Antoine Pelissolo, chef de service en psychiatrie à l’hôpital Henri-Mondor, à Créteil (Val-de-Marne).
« C’est la dernière chance de sauver l’hôpital public auquel nous croyons tous »
Quelques jours après l’annonce par la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, d’une hausse de l’enveloppe budgétaire pour l’hôpital public limitée à + 2,1 % en 2020, alors que l’augmentation naturelle des « charges en soins » est supérieure à 4 %, les membres du collectif ont souhaité engager un rapport de force avec le gouvernement afin d’obtenir « des budgets supplémentaires et non se limiter à des redéploiements de financements existants », comme cela a été le cas pour les 750 millions d’euros sur trois ans récemment promis par le gouvernement en réponse à la crise des urgences.
Et pour alerter sur « l’effondrement » du système hospitalier, plus question de se contenter de tribunes incantatoires dans la presse ou de lettres ouvertes au chef de l’Etat. Le principe d’une grande manifestation de tous les personnels hospitaliers, le 14 novembre à Paris, a été voté à l’unanimité. « Toutes les conditions sont réunies pour que ce mouvement prenne de l’ampleur », estime Anne Gervais, membre du comité de coordination du CIH. « Ces derniers mois, on cherchait l’étincelle qui allait allumer l’incendie », ajoute Christophe Prudhomme, médecin urgentiste et représentant de la CGT-Santé, qui rappelle sa demande d’une augmentation de l’enveloppe budgétaire d’au moins 5 %. Un « préalable », selon lui.
« On ne joue plus »
Un appel à la « grève du codage » des actes a également été lancé, jeudi soir. En arrêtant de transmettre les informations permettant à l’hôpital de facturer à l’Assurance-maladie les actes réalisés en son sein, les médecins grévistes pourraient théoriquement entraîner une perte de recettes pour leur établissement.
« C’est un geste politique, ça veut dire : on ne joue plus », a lancé André Grimaldi, diabétologue à la Pitié-Salpêtrière, qui combat de longue date « l’hôpital entreprise ». A l’hôpital parisien Robert-Debré, une telle grève a débuté le 23 septembre et elle s’est étendue cette semaine à pratiquement tous les services, selon Stéphane Dauger, le chef du service réanimation pédiatrique de cet établissement.
Consultations saturées, nombre trop faible de lits, délais d’examen d’imagerie à rallonge… C’est le portrait bien sombre d’un hôpital public en crise qui a été dressé jeudi soir. « La situation est critique », a alerté Noël Garabedian, le président de la commission médicale d’établissement de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), le « parlement » des médecins, à quelques jours de la fin de son mandat. L’avant-veille, Martin Hirsch, le directeur général du groupe hospitalier, avait annoncé en CME que près de 900 lits sur un total de 20 000 étaient actuellement fermés en raison de « difficultés de recrutement et de fidélisation ».
« Catastrophe annoncée »
Cette perte d’attractivité de l’hôpital public est unanimement perçue comme l’ultime symptôme de la gravité de la crise. « On sent des collègues en train de lâcher prise », a raconté Renaud Péquignot, président du syndicat de médecins Action Praticiens Hôpital, décrivant la multiplication des demandes de passage à temps partiel ou dans le privé.
« Beaucoup de praticiens se demandent s’ils finiront leur carrière à l’hôpital public alors qu’ils ne se l’étaient jamais demandé jusque-là », a ajouté Hélène Gros, médecin à l’hôpital Robert-Ballanger, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Pour Rémi Salomon, chef de service à l’hôpital Necker, à Paris, il y aurait aujourd’hui, chez certains praticiens hospitaliers, « une forme de sidération devant la catastrophe annoncée ».
« De grands professeurs craquent, de jeunes infirmiers quittent leur métier de plus en plus tôt. Combien de professionnels viennent nous confier colère, tristesse, incompréhension ? Combien de larmes viennent couler dans nos bureaux et combien de colères faut-il essuyer ? La frustration gagne du terrain dans tous les couloirs de nos hôpitaux. Nous sommes devenus des manageurs de la colère », ont fait valoir des cadres de santé, dans un texte très fort lu par une psychologue. Constatant les dégradations de leurs conditions de travail, ces cadres ont jugé qu’ils étaient devenus « les agents d’une mission devenue impossible ».
Dans une motion adoptée à l’unanimité, les participants à l’assemblée générale ont demandé une « augmentation immédiate de 300 euros net mensuels de tous les salaires », « l’arrêt des fermetures de lits d’hospitalisation » et l’abandon de la tarification majoritaire à l’activité, la règle devant être « le juste soin pour le malade au moindre coût et non la recherche du tarif rentable pour l’établissement ».
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