Les mécanismes cellulaires responsables de l’action analgésique à long terme de l’ocytocine commencent à être décrits.
Si l’ocytocine est une hormone impliquée dans l’accouchement, l’allaitement, l’attachement…, elle intervient aussi dans la modulation de la douleur. Jusqu’ici inconnu, ce rôle a été précisé par une équipe internationale qui comprend l’Institut des neurosciences cellulaires et intégratives (INCI) du CNRS et de l’université de Strasbourg et des chercheurs de l’Inserm. Elle a découvert qu’une trentaine de neurones, situés dans une zone de l’hypothalamus, libèrent de l’ocytocine dans le sang et la moelle épinière et atténuent la sensation douloureuse. Ces observations, conduites chez le rat, ont été publiées dans Neuron en mars 2016.
« L’activation de ces seuls neurones suffit pour diminuer de 30 % à 40 % une douleur inflammatoire chez ce rongeur. Sur les quelque 100 milliards de neurones dans le cerveau, et environ 8 000 neurones ocytocinergiques chez le rat, seul un petit nombre de cellules – une trentaine – exerce une telle action physiologique et régule la douleur », souligne l’étude. « Si l’effet analgésique ne nous a pas étonnés, nous avons été surpris du si petit nombre de neurones impliqués », relate Alexandre Charlet, chargé de recherche au CNRS, qui a coordonné cette étude avec Valery Grinevich, du Centre allemand de recherche sur le cancer (DKFZ) d’Heidelberg.
Comment ça marche ? « Ces trente petits neurones de l’hypothalamus exercent un double effet analgésique. Ils provoquent une libération d’ocytocine à la fois dans la moelle épinière profonde, grâce à leurs longs prolongements (les axones), et dans le sang afin d’inhiber les neurones sensibles au stimulus douloureux », indique un communiqué du CNRS. L’ocytocine exerce donc une action à la fois centrale et périphérique, dans plusieurs régions corticales, dont l’amygdale, largement impliquée dans les processus émotionnels associés à la douleur et à l’anxiété.
Quid des applications cliniques ?
Le même groupe de recherche avait aussi mis en avant dès 2013 certains des mécanismes cellulaires responsables de l’action analgésique à long terme de l’ocytocine, lorsqu’elle est libérée dans la moelle épinière des rats présentant des douleurs inflammatoires.
Quant aux applications cliniques, Alexandre Charlet reste prudent. En effet, la matrice de la douleur est très complexe, mobilisant plusieurs zones dans le cerveau. Plus généralement, dans les essais cliniques, l’ocytocine administrée est une hormone modifiée, qui est libérée trop vite… Alexandre Charlet se dit sceptique sur les sprays nasaux, en estimant que l’ocytocine n’atteint pas les fibres nerveuses, et que leur effet « ne doit pas être supérieur à celui d’un placebo ».
Quant au moment de la naissance, stress majeur et source de douleur aussi chez le nouveau-né, l’équipe du professeur Hugo Lagercrantz (Karolinska Institutet, Stockholm) avait déjà mis en évidence que les bébés nés par césarienne sentaient plus la douleur que ceux nés par voie basse, suggérant un processus antidouleur pendant l’accouchement, pouvant venir de l’ocytocine produite par la mère. L’équipe de Roustem Khazipov et Yehezkel Ben-Ari, de l’Institut de neurobiologie de la Méditerranée (Inserm-université de la Méditerranée), avait souligné que l’ocytocine ne fait pas que stimuler les contractions. L’hormone pourrait aussi avoir un effet antalgique chez le rat à la naissance, en réduisant la concentration des ions chlorures dans les neurones de la douleur.
Par ailleurs, le fait de placer le bébé en peau à peau contre la poitrine de l’un des deux parents est de plus en plus utilisé pour les nouveau-nés prématurés. « Cela induit une forte augmentation des taux sanguins d’ocytocine et permet d’atténuer la douleur », pointe aussi Alexandre Charlet. Des travaux mexicains ont récemment mis en avant un nouveau site d’action physiologiquement pertinent dans la modulation de la douleur par l’ocytocine : les extrémités périphériques des neurones nociceptifs, qui transmettent le message douloureux depuis la peau.
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