Désormais remboursées par l’Assurance-maladie, les téléconsultations offrent de nombreux avantages et représentent une vraie révolution : le diagnostic réalisé par un logiciel, explique dans sa chronique, l’informaticien Serge Abiteboul.
LE MONDE | | Par Serge Abiteboul (chercheur en informatique à l’Inria et à l’ENS, membre du collège de l’Autorité de régulation des communications électroniques et ...
Transformations. Après plusieurs décennies d’expérimentations, les téléconsultations sont désormais remboursées par l’Assurance-maladie… Pourquoi a-t-il fallu tant de temps pour parvenir à une telle décision ?
En effet, l’usage de la vidéoconférence, déjà répandu dans nombre de professions, peut constituer un véritable progrès pour le malade, un gain de temps et une réelle simplification de sa vie. Pensez à la personne âgée qui se déplace avec difficultés, au paysan de la Creuse qui doit se rendre loin de son domicile pour consulter, à l’employé qui ne veut pas poser une demi-journée de congé, etc. Il n’est évidemment pas question de remplacer toutes les rencontres physiques avec un praticien, mais de s’y substituer parfois.
Cette technique offre de nombreux avantages : pouvoir réécouter les explications du médecin, lire le rapport écrit produit par le logiciel programmé pour cette tâche à la place du médecin, le compléter par des explications trouvées sur des sources fiables du Web… Le numérique contribue à développer l’autonomie du malade.
Mais au-delà de la communication électronique avec un personnel de santé, pointe une vraie révolution : le diagnostic réalisé par un logiciel. Il ne s’agit pas, bien sûr, de nous décharger sur des machines du soin des malades, ce qui nous conduirait à perdre une part essentielle de notre humanité, mais de faire mieux avec l’aide des machines.
Améliorer le triage médical
Cette technique permet d’abord d’améliorer le triage médical : devez-vous aller aux urgences, prendre un rendez-vous avec un médecin généraliste ou un spécialiste, et si oui, lequel ? Pouvez-vous vous contenter d’un médicament en vente libre, ou peut-être juste vous reposer ? Les services médicaux d’urgence sont engorgés par des personnes qui n’ont rien à y faire ; le diagnostic tardif de patients trop éloignés de centres médicaux débouche sur de graves complications ; les malades n’y comprennent rien et sont souvent perdus. En assistant les médecins, les algorithmes apportent des solutions à ces problèmes bien connus.
Aujourd’hui, l’algorithme assiste le médecin. Quid de l’étape suivante ? L’algorithme le remplace ? On est (encore) dans la science-fiction. S’ils peuvent diagnostiquer un mélanome sur une image, les algorithmes sont en revanche encore loin de savoir gérer la détresse psychique d’une personne en fin de vie. Pourtant, ils peuvent déjà pallier l’absence de médecins dans certains contextes, comme dans certains pays d’Afrique où le corps médical a été décimé par la guerre et l’exode. Mais sinon, il s’agit encore seulement d’assister les médecins.
L’idée qu’un logiciel établisse votre diagnostic vous effraie ? Il n’y a pourtant aucune magie dans cela : ce logiciel s’appuie sur les compétences d’un très grand nombre d’excellents médecins et a été testé par ceux-ci. Il est en permanence informé des dernières connaissances thérapeutiques et amélioré ; ses erreurs, s’il en fait, sont corrigées et mesurées… On n’en fait pas autant pour des médecins humains !
Des logiciels mieux adaptés
Si la santé n’a pas de prix, elle coûte quand même 11,5 % du PIB en France en 2017 (chiffres de l’OCDE). Or, non seulement l’informatique peut faire baisser ces coûts, mais surtout, elle peut assister les professionnels de santé pour apporter des améliorations au système. Je comprends mieux leur réticence après avoir vu ma dentiste passer la moitié de la visite à tapoter avec difficulté des sigles obscurs sur son clavier, avant de se disputer avec son imprimante. Elle et ses collègues du milieu médical accepteraient l’informatique avec plus d’enthousiasme s’ils étaient formés à maîtriser cette technologie et si les logiciels étaient mieux adaptés à leurs besoins.
Avec une volonté politique forte et l’adhésion de tous, nous pouvons mettre l’informatique encore plus au service de la santé, mieux assister les professionnels de santé pour offrir une médecine moderne fiable et de qualité, apte à répondre aux attentes grandissantes de chacun, et ce, à un coût acceptable pour la collectivité.
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