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lundi 4 décembre 2017

Un tatouage "ne pas réanimer" : le cas qui fait cogiter les urgentistes français

Dr Nicolas Evrard
| 04.12.2017


Tatouage "Do not resuscitate"
The New England Journal of Medicine

L'article publié le 30 novembre dernier dans le New England Journal of Medicine, portant sur un patient de 70 ans avec un tatouage "Ne pas réanimer" a fait le buzz ! « Ce matin nous avons beaucoup parlé de cette affaire entre nous », confie le Pr Frédéric Lapostolle, directeur médical adjoint du Samu 93.

Petit rappel : un homme de 70 ans qui avait de lourds antécédents médicaux, a été admis inconscient dans un hôpital de Floride, avec entre autres une hypotension sévère, une acidose métabolique. Ce patient n'avait pas de pièce d'identité, ni aucune information concernant sa famille. Le tatouage avec le mot 'pas' était souligné, accompagné d'une signatureLes médecins ont commencé par réanimer ce patient. Interpellés par le tatouage, les soignants ont contacté des consultants spécialisés en éthique. Il a été recommandé aux soignants de se conformer à ce qu'indiquait le tatouage, ce qui a été consigné dans le dossier médical du patient. Quelques heures plus tard, son état de santé s'est aggravé… jusqu'au décès sans tentative de réanimation.
Beaucoup de questions et de confusion
« Cette situation est inédite et pose de nombreuses questions, ce qui explique cette publication dans le New England Journal of Medicine. Quand a été gravé ce tatouage ? À quelle occasion, dans quelles circonstances ? Ce tatouage n'était pas daté… », explique le Pr Frédéric Lapostolle. Et comme l'indiquent les auteurs de cet article, "son tatouage a apporté plus de confusion que de clarté".
La question n'est pas simple dans ce genre de situation, car quelle que soit la décision prise par le médecin (dans un sens comme dans un autre), celle-ci peut susciter une plainte de la part de la famille… ou du patient (en cas de réanimation non souhaitée).
Pour le Pr Lapostolle : « le plus important est de respecter les volontés du patient. Mais avec une difficulté majeure en cas de situation d'urgence comme un arrêt cardiaque. Avoir accès à l'information permettant de décider de réanimer ou pas le patient, demande du temps qui ne peut être accordé dans ce genre de situation ». En effet, les manœuvres de réanimation doivent être entreprises le plus tôt possible. Et il est impossible de les contrebalancer avec la recherche de consignes pour connaître la volonté du patient, tout retard de prise en charge du patient étant particulièrement dommageable !
Une étude française sur les directives anticipées en cas d'urgence
« Nous avons mené une étude parue dans Resuscitation en juillet dernier, chez des patients français pris en charge suite à un arrêt cardiaque. Seuls 7,5 % de ces patients avaient rédigé des directives anticipées », explique le Pr Lapostolle. « Nous avons relevé un fait très paradoxal : parmi les patients qui avaient rédigé des directives anticipées, les familles et les proches ont davantage appelé le SAMU que celles des autres patients. Cela signifie que les familles qui avaient sans doute les informations sur les directives anticipées du patient, sont les plus interventionnistes. Cela nous incite à nous interroger sur ces directives anticipées et en particulier leur communication auprès des proches. »
Trois options
D'un point de vue décisionnel, les urgentises-réanimateurs ont trois options : réanimer, interrompre une réanimation, ou d'emblée ne pas réanimer. Chacun prend sa décision en son âme et conscience, en prenant en compte les éventuelles directives anticipées, mais aussi d'autres paramètres médicaux. « Dans cette prise de décision, un point est important : en réanimant le patient, on peut toujours à un moment ou à un autre, interrompre cette réanimation. Mais si cette réanimation n'est pas mise en route, il est impossible de faire marche arrière… », conclut l'urgentiste.

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