La personnalité du président inquiète des psychiatres et des psychologues. Ils en font part publiquement, en dépit des questions éthiques que posent leurs propos.
« Symptômes d’instabilité mentale », « folie des grandeurs, impulsivité, hypersensibilité aux refus et aux critiques », « apparente incapacité à distinguer l’imaginaire de la réalité » : le 29 novembre 2016, les psychiatres Nanette Gartrell (université Stanford), Dee Mosbacher (université de Californie) et Judith Herman (Harvard) envoyaient une lettre ouverte à Barack Obama dans laquelle elles s’inquiétaient de l’état mental de Donald Trump, tout juste élu. Elles recommandaient « fortement » de le soumettre à « une évaluation neuropsychiatrique poussée » avant qu’il entre en fonctions.
Depuis, de nombreux journalistes s’interrogent aussi régulièrement sur l’état mental de « l’homme le plus puissant du monde », craignant le pire à chaque crise internationale. Le 14 novembre, les fact checkers du Washington Post relevaient ainsi que Donald Trump avait fait 1 628 déclarations « fausses ou trompeuses » depuis le début de son mandat, affirmant souvent par ailleurs le contraire de ce qu’il soutenait mordicus avant. Le journal parle d’un « menteur chronique », pathologique.
Maggie Haberman, correspondante à la Maison Blanche pour le New York Times, le décrit dans un article paru le 28 novembre comme vivant dans un perpétuel déni de réalité, incapable de reconnaître ses torts, « prompt » à inventer des « versions alternatives » des événements, « à tenter de créer et de vendre sa propre version de la réalité », développant « des théories de la conspiration n’ayant aucun fondement ».
Vaste polémique
Dans un billet publié le 28 février sur le site Psychology Today, deux docteurs en psychologie, Rosemary Sword et Philip Zimbardo, affirmaient retrouver chez Donald Trump les symptômes flagrants d’une « personnalité narcissique » aux « comportements offensants » : « condescendance », « exagération grossière », « mensonge », « intimidation », « jalousie », « manque de compassion », vision du monde « moi contre eux », « vantardise » compensant une « estime de soi fragile ». L’article a été lu un million de fois.
Le même mois, le Dr John Gartner, enseignant la psychiatrie à l’université John-Hopkins, spécialiste des personnalités borderline, lançait sur Change.org une pétition, et incitait les professionnels de santé à la signer, demandant que Donald Trump soit démis au nom de l’article 4 du 25e amendement de la Constitution des Etats-Unis : le président doit être remplacé s’il s’avère « incapable de s’acquitter des pouvoirs et des devoirs de sa charge ». Elle a recueilli à ce jour 68 435 signatures.
Cette pétition a suscité une vaste polémique : bafoue-t-elle l’éthique médicale ? Aux Etats-Unis, la « règle Goldwater » de l’American Psychiatric Association interdit aux psychiatres de donner un avis professionnel sur une personnalité s’ils ne l’ont pas examinée personnellement. En 1964, le sénateur Barry Goldwater, jugé inapte à être président par plusieurs psychiatres, avait porté plainte contre eux et il avait gagné.
Mais concernant Donald Trump, beaucoup de médecins estiment qu’il est de leur « responsabilité éthique » d’« alerter » le public. Certains ont lancé le mouvement Duty To Warn (« devoir d’alerter », Adutytowarn.org), où ils ne proposent pas d’analyse psychiatrique du président mais décryptent sa « dangerosité » – comme ils le feraient pour toute personne qu’ils verraient comme un « danger public ».
« Sociopathe »
Pour préciser cette « dangerosité », vingt-sept spécialistes de la santé mentale ont publié en octobre The Dangerous Case of Donald Trump (ed. Thomas Dunne, non traduit). Rosemary K.M. Sword et Philip Zimbardo, s’appuyant sur les tweets et les déclarations du président, voient en lui un « hédonisme du présent extrême et débridé » : il surréagit à l’événement comme un « junkie à l’adrénaline »sans penser aux conséquences de ses actes. Il se conduit de façon « infantile » en multipliant les mensonges, les « remarques immatures sur le sexe » ou la taille de son pénis, manifestant un besoin perpétuel d’attention.
Lance Dodes, ancien professeur à Harvard, estime pour sa part qu’un homme puissant qui ment, triche, trompe, arnaque, manipule et n’a cure de ceux qu’il blesse n’est pas seulement cynique et immoral, il souffre d’insuffisance d’humanité et d’un manque d’empathie : il s’agit d’un « sociopathe ».
La troisième partie du livre analyse les effets psychologiques de la présidence Trump sur les Américains. Jennifer Panning évoque un « syndrome post-électoral » : beaucoup de gens s’inquiètent et s’efforcent de trouver « normal » ce qui leur semble « anormal » dans cette présidence. Elizabeth Mika et Harper West s’intéressent au « triangle toxique » qui s’établit entre un dirigeant narcissique arrogant, ses partisans et la société : cela renforce l’agressivité entre les gens, fait reculer la tolérance et la responsabilité et facilite une « déshumanisation ».
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