blogspot counter

Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

lundi 13 novembre 2017

« Women House », la prison du foyer

La Monnaie de Paris présente une exposition 100 % féminine sur le thème « femme-maison ».

LE MONDE |  Par 

« Femme maison » (1994), de Louise Bourgeois.
« Femme maison » (1994), de Louise Bourgeois. THE EASTON FOUNDATION/ADAGP/PHOTO : CHRISTOPHER BURKE

La femme ? Au foyer, forcément ! C’est cette fatalité que s’attache à moquer, à contourner, voire à anéantir les artistes femmes rassemblées par la Monnaie de Paris. L’institution profite de sa rénovation pour offrir un nouveau visage à son centre d’art : Camille Morineau, directrice des expositions et des collections, s’est juré d’y mettre à l’honneur les femmes artistes. Elle en offre une première preuve avec « Women House », qui inaugure le nouvel espace consacré aux expositions, joliment agrandi.

Il commence désormais au rez-de-chaussée, voire dans les cours ornées de trois sculptures monumentales (notamment l’antre de Niki de Saint Phalle), et se poursuit à l’étage. Avec ce parcours 100 % féminin, Camille Morineau poursuit, en compagnie de la commissaire Lucia Pesapane, ses premières explorations entreprises avec « Elles » au Centre Pompidou, une exposition qui avait ouvert une première brèche dans le monde plutôt phallocrate des musées en évoquant l’univers de ces plasticiennes oubliées et la diversité de leurs pratiques méconnues. Au risque de les laisser dans leur ghetto ? Le débat est sans fin.


Nombre d’artistes invitées font preuve d’un esprit corrosif
Camille Morineau a choisi cette fois de resserrer la question autour du motif singulier de la femme-maison. Un danger : faire accroire que les femmes se passionnent avant tout pour l’espace domestique. Il est, heureusement, souvent court-circuité par l’esprit corrosif dont font preuve nombre d’artistes invitées. A commencer par Martha Rosler qui, à la fin des années 1960, passe littéralement un coup d’aspirateur dans l’univers très viril du pop art. Dans d’autres collages très efficaces, elle va jusqu’à transformer le corps de la femme en pièces d’électro­ménager. A moins que ce soit le contraire ? Peu importe, tant l’un et l’autre se confondent alors.

Même fusion entre la femme et son réchaud dénoncée avec une triste ironie par l’Autrichienne ­Birgit Jürgenssen. Mais c’est sa concitoyenne Valie Export qui atteint le summum en se figurant, dans sa Madone des naissances de 1976, en train d’accoucher d’une machine à laver. Elan tout aussi rageur chezla Brésilienne Leticia Parente, qui se filme carrément en train de repasser un homme plutôt que sa chemise. A ces desperate house­wives sans concession, Cindy Sherman répond par une série un peu plus apaisée, mais aussi redoutable. Dans ses Film Stills du début des années 1980, la reine de l’autoportrait détourné incarne à elle seule tous les clichés. Midinette au maquillage, mondaine épuisée, cuisinière acariâtre, secrétaire larguée, ménagère sexy… Un seul corps lui suffit pour endosser mille stéréotypes.


Pionnières militantes


La maison ? Une prison, décidément. Nombre d’artistes créent des paraboles pour dénoncer cet enfermement. La photographe portugaise Helena Almeida se figure en train de caresser des portiques de métal, ne cadrant que ses mains qui tentent une échappée. Plus littéralement, la performeuse hollandaise Lydia Schouten se filme dans une cage, telle une lionne que la peinture fraîche des barreaux vient salir, alors qu’elle tente de se libérer.

Ainsi ces pionnières militantes ont-elles ouvert la voie à plusieurs générations d’artistes femmes. La seconde partie de l’exposition, à l’étage, n’est hélas pas toujours à leur hauteur. Elle se resserre stricto sensu sur le motif de la femme-maison, et la colère s’y effiloche. Après la maison de poupée cauchemardesque de Penny Slinger, avec ses corps éventrés et ses monstres priapiques, vient une succession de demeures, tentes, caravanes, abris, qui semblent renvoyer la femme à la domesticité, fût-elle expérimentale. Seule la gigantesque araignée de Louise Bourgeois, qui vient tisser sa toile sous les ors du salon d’honneur, casse finalement la fatalité. Plutôt que devenir maison, devenir irraison, semble-t-elle proposer ; construire dans la folie du singulier, plutôt que dans la norme du genre.

« Women House », Monnaie de Paris, 11, quai de Conti, Paris 6e. Du mardi au dimanche, de 11 à 19 heures, 21 heures le jeudi. De 8 à 12 euros. Jusqu’au 28 janvier. www.monnaiedeparis.fr

Aucun commentaire: