Une proportion importante des immigrants de confession musulmane aux États-Unis sont des réfugiés fuyant des zones de conflits armés, rappelle le Journal of The American Academy Of Child & Adolescent Psychiatry. Et certains sujets cumulent trois sources de souffrances : les traumatismes liés au conflit motivant leur démarche migratoire, le stress de cette migration proprement dite, et les difficultés qu’elle entraîne, en particulier en termes d’acculturation ou/et d’exposition éventuelle à un contexte raciste.
L’accumulation de ces souffrances rend ces migrants particulièrement vulnérables à des maladies mentales : syndrome de stress post-traumatique, troubles anxio-dépressifs, psychose... Mais l’une des particularités des affections psychiatriques dans cette population est leur attribution culturelle à l’influence de créatures surnaturelles, les djinns(1). Selon le Coran, Dieu (Allah) a façonné trois types d’êtres : les humains, les anges et les djinns. Comparables à un « feu sans fumée », ces entités lumineuses ou évanescentes vivraient parmi nous, invisibles, avec des personnalités propres, certaines bienveillantes, mais d’autres maléfiques. Parmi leurs pouvoirs remarquables, ils ont le don de voler, une grande force et la faculté de changer de forme.
À l’instar des hommes, mais contrairement aux anges, ces djinns peuvent désobéir à Dieu et commettre des péchés. Aussi les patients musulmans ont-ils tendance à leur attribuer maladies et infortunes diverses, un peu comme le christianisme voyait dans le Diable une source inépuisable de problèmes pour l’humanité. Bien que la croyance aux djinns soit répandue dans les sociétés musulmanes à travers le monde, leurs spécifications varient d’une culture à l’autre.
Des soins tenant compte de la culture
CP Lewis et coll. conseillent à cet égard de tenir compte de ces croyances pour fournir des soins culturellement informés aux adolescents et aux familles de confession musulmane, d’autant plus que cette population est trop souvent confrontée, dans les pays d’accueil, à une islamophobie nourrie par l’amalgame insidieux entre islam tolérant et islamisme radical. Les professionnels de la santé mentale doivent, conseillent les auteurs, s’engager et collaborer avec les patients gravement malades et leurs familles. Cet impératif implique l’exploration des points de vue divergents des parents, des adolescents et des médecins et leur intégration dans la planification des soins. Cette stratégie s’applique en particulier à la prise en charge des patients présentant des préoccupations pour les djinns, car des psychiatres culturellement compétents se trouvent à une place unique pour faire le lien entre les conceptions sur la maladie mentale et élaborer des stratégies thérapeutiques globales répondant aux besoins psychiatriques, spirituels et culturels des patients.
Dr Alain Cohen
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