Le directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) dresse un premier bilan de ses quatre années à la tête du « navire amiral du système de santé français ».
Le livre. Depuis sa nomination à la tête de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), en novembre 2013, Martin Hirsch raconte recevoir deux à trois fois par jour des appels, des mails ou des textos lui demandant de l’aide pour obtenir plus rapidement un rendez-vous avec un spécialiste renommé, accéder à un service réputé ou faire accélérer une intervention chirurgicale.
Compréhensif, le patron du « navire amiral du système de santé français » (39 hôpitaux, près de 100 000 salariés et 10 millions de patients reçus chaque année) admet satisfaire une partie de ces demandes. Mais s’inquiète de ce qu’elles révèlent en matière d’égalité d’accès aux soins. « Ce fut pour moi, au bout de quelques jours, l’œuf de Christophe Colomb. La preuve que quelque chose était pourri au royaume de l’hôpital, écrit-il. S’il fallait connaître le 06 du directeur général pour être pris en charge au mieux, c’était bien qu’il existait un problème grave. »
Pour parvenir à traiter tout le monde « dans les bons délais », l’ancien patron d’Emmaüs et ex-membre du gouvernement de François Fillon souhaite alors réformer le « paquebot », ce « mastodonte »qu’est l’AP-HP, en le rendant plus efficient. Quatre années plus tard, Martin Hirsch tente un premier bilan. Dans L’Hôpital à cœur ouvert, il livre son diagnostic sur le « malaise hospitalier » et avance quelques pistes pour y répondre sans engager de dépenses publiques supplémentaires.
Devoir de réserve
Il revient notamment sur la raison qui le pousse, au printemps 2015, à remettre à plat l’organisation des 35 heures dans les établissements du groupe, comme l’ont déjà fait la moitié des hôpitaux en France. Une décision qui aboutit rapidement à la journée de grève la plus suivie de l’histoire de l’AP-HP, avec près de 30 % de participants.
S’il explique pourquoi cette réforme, finalement adoptée avec la seule signature de la CFDT, était indispensable à la « survie » même de l’AP-HP, Martin Hirsch ne dit rien des coulisses politiques d’une opération qui n’a pu être lancée sans le feu vert de l’Elysée ou de Matignon. C’est d’ailleurs sans doute les limites de cet ouvrage écrit « à chaud ». Son mandat n’étant pas terminé, Martin Hirsch est toujours tenu à un devoir de réserve. Il n’a, par exemple, pas un mot pour la politique menée par Marisol Touraine ces cinq dernières années ou pour la feuille de route d’Agnès Buzyn, qui lui a succédé avenue de Ségur.
Pas de politique, donc. Mais des questions concrètes. Comment diviser par deux les temps d’attente dans les services d’accueil des urgences (4 h 30 aujourd’hui en moyenne à l’APHP), dont la fréquentation ne cesse de croître ? La tâche s’annonce plus ardue qu’il ne l’avait imaginé. A rebours d’une partie des observateurs du monde de la santé, Martin Hirsch juge cependant qu’il est temps d’« accepter une fois pour toutes que le recours aux urgences fasse désormais partie des us et des coutumes et nous adapter à un flux important de patients ».
Il aborde également la question – cruciale – du nombre de lits, au nombre de 22 500 aujourd’hui dans le groupe. D’ici à 2019, la moitié des patients opérés devront entrer le matin et ressortir le soir même. Conséquence : le futur grand hôpital Nord, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), qui remplacera deux hôpitaux (Bichat et Beaujon), comptera 30 % de lits en moins.
Pour accélérer le développement de la chirurgie ambulatoire et ainsi éviter des nuits d’hospitalisation qui coûtent aujourd’hui de « 600 à 6 000 euros par vingt-quatre heures », Martin Hirsch prône le recours accru à des hôtels hospitaliers. Une façon d’héberger à moindre coût, pour la « Sécu », des patients avant ou après une opération, mais sans surveillance médicale. « Pour caricaturer, l’hôpital de demain sera un hôpital sans chambres ou avec peu de chambres, auquel seront accolés un ou plusieurs hôtels, explique-t-il. On aura véritablement dissocié la fonction de soins de la fonction hôtelière. »
Indicateurs de qualité
Autre proposition du directeur général de l’AP-HP, afin de rendre plus souple l’organisation de l’offre de soins : créer un nouveau statut mixte qui permettrait à des médecins de ville d’être attachés à l’hôpital. Ce qui leur permettrait de partager le même système d’information, le même dossier médical et d’avoir libre accès à toutes les données que détient l’établissement. Le « dogme » du salariat à l’hôpital et du paiement à l’acte en ville est « surmontable ».
Martin Hirsch souhaite également que des indicateurs de qualité fiables soient mis en place dans les 650 services médicaux de l’AP-HP. « Cela signifie de lever un certain nombre de tabous, dit-il.Mettre les bonnes sondes pour mesurer aux bons endroits. Accepter d’aller regarder les taux de mortalité. Pouvoir connaître, dans un service donné, la proportion des patients qui doivent être réadmis dans le mois. »
Dans sa boîte à propositions, Martin Hirsch n’oublie pas les infirmières des hôpitaux, qui sont « parmi les plus mal payées des pays de l’OCDE ». Pour y remédier, à défaut d’une improbable forte hausse générale des salaires (une augmentation de 10 % coûterait 4 milliards d’euros), il propose de « déléguer des tâches de médecins vers des infirmières, en contrepartie de rémunérations plus élevées ». « La France est en retard dans ce domaine », estime-t-il. Les infirmières devraient par ailleurs être autorisées à effectuer davantage d’heures supplémentaires. Il suggère, enfin, qu’il serait souhaitable de moduler les salaires en fonction du coût de la vie dans les régions où les infirmières exercent.
« L’Hôpital à cœur ouvert », Martin Hirsch, Stock, 288 pages.
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