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vendredi 10 novembre 2017

AU CŒUR DU FRAGILE

Par Robert Maggiori    

L’homme se brise-t-il aussi facilement qu’une coupe de cristal, qu’un œuf ? A travers l’exploration de textes bibliques, philosophiques, poétiques et littéraires, Jean-Louis Chrétien offre une intense réflexion sur la condition humaine, vouée à la finitude.

On considère comme fragile ce qui, de soi-même ou par une cause venue d’ailleurs, se brise facilement.
On considère comme fragile ce qui, 
de soi-même ou par une cause venue 
d’ailleurs, se brise facilement. 
Photo Plainpictu


Un éléphant, on le sait, ne doit pas traîner dans un magasin de porcelaine. Mais en général, ce ne sont pas les gros pachydermes, ni les quinze-tonnes, ni les massues qui cassent tout. Il suffit d’un rien. Une paille, une fêlure, un accroc, une fissure, une lézarde, et c’en est fait du métal, du diamant, du vase ou de l’assiette, de la paire de bas de soie, du mur ou du toit. Pour une personne, de même : elle tient à un fil, elle aussi, et un mot, un mauvais geste, une déception, une rupture, un malheur peuvent la briser. Mais si elle était en cristal, elle aurait «moins de périls à craindre». Quoi de plus fragile, dit saint Augustin, qu’un vase de verre ? «Et pourtant, il se conserve, et il persiste pendant des siècles. Même si, certes, on s’inquiète pour lui d’accidents, il n’y a pas lieu de s’inquiéter pour lui de la vieillesse ni de la fièvre.» Alors que «nous autres hommes», c’est «au milieu de bien des périls quotidiens que nous cheminons fragiles» : «Nous sommes donc, nous, plus fragiles et plus faibles, du fait aussi de tous les malheurs qui ne cessent pas dans l’ordre humain, nous nous angoissons en tout cas pour notre propre fragilité tous les jours ; et même s’il n’arrive pas de malheurs, le temps continue d’avancer».
La fragilité n’est pas la vulnérabilité. Certes, les deux notions sont parentes. Elles désignent toutes deux une même «possibilité inscrite dans la constitution propre» de l’être fragile et de l’être vulnérable, qui ne cesse de leur appartenir, quand bien même il n’y aurait pas passage à l’acte : un animal solitaire, perdu, reste vulnérable, même s’il ne subit aucune agression, comme un œuf, même enveloppé, demeure fragile. En outre, elles sont des «conditions permanentes», à des degrés divers. Mais une différence capitale les sépare : «Est vulnérable ce qui peut être blessé», et donc suppose «une atteinte venant de l’extérieur», alors qu’est fragile ce qui, de soi-même ou par une cause venue d’ailleurs, se brise «facilement» (plus ou moins, selon les forces qui s’y appliquent), de façon inattendue et tout d’un coup (même si la rupture vient d’un «lent processus d’usure, d’érosion, de fatigue»).

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