| 08.11.2017
Près de 2 ans et demi après avoir lancé le chantier, la HAS vient de publier ses nouvelles recommandations sur la prise en charge de la dépression. « Nous avons pris le temps d’arriver à nous mettre vraiment d’accord entre nous » confie le Pr Anne Marie Magnier, médecin généraliste à Paris et co-présidente du groupe de travail.
Centrée sur la prise en charge de l’épisode dépressif caractérisé de l’adulte en soins primaires, la nouvelle feuille de route s’adresse avant tout aux généralistes. Elle vise à « améliorer le repérage et la prise en charge de la dépression, en collaboration avec les spécialistes pour les cas complexes » annonce la HAS. Elle remet la clinique et l’échange avec le patient au centre de la prise en charge. Et la dépression dans le giron de la médecine générale
Une évaluation clinique large
« Le diagnostic de l’épisode dépressif caractérisé est clinique » rappelle les recommandations qui relèguent au second plan les tests diagnostiques comme l’échelle d’Hamilton par exemple. S’ils peuvent être utile pour le suivi du patient, pour le diagnostic « ces tests ne sont pas le nec plus ultra » souligne le Pr Magnier. Pour parler d’épisodes dépressifs, « il faut s’assurer que la personne cumule différents symptômes (humeur dépressive, perte d’intérêt ou d’énergie, concentration réduite, diminution de l’estime de soi, sentiment de culpabilité, idées et comportement suicidaires ou encore troubles du sommeil ou de l’appétit) qui se manifestent de manière quotidienne, depuis au moins 2 semaines et avec une certaine intensité » résume la HAS.
L’accent est mis sur l’évaluation de l’intensité de la dépression (légère, modérée ou sévère) qui là encore « repose sur le jugement du clinicien ». « Dans une dépression légère, la personne rencontrera des difficultés à mener ses activités du quotidien (travail, vie familiale et sociale) mais y parviendra avec un effort supplémentaire. Dans le cas d'une dépression modérée, ces activités du quotidien seront très difficilement réalisables par la personne et au niveau sévère, quasi-impossibles ou impossibles ». L’évaluation du soutien (ou au contraire de la charge) apporté par l’entourage est aussi préconisée.
Enfin quel que soit le niveau d'intensité, « l'évaluation des idées et des intentions suicidaires devra toujours faire partie de la démarche du médecin » souligne la HAS. « Cela doit être la préoccupation première, insiste le Pr Magnier. Il faut aller le chercher et ne pas hésiter à interroger directement le patient ». Ce questionnement « n’augmente pas le risque suicidaire » rassure la HAS. Au contraire, si l’on aborde cette question, « on a un niveau de communication avec les patients qui change, ils ont l’impression d'être compris » conforte le Pr Magnier.
Psychothérapie
Côté thérapeutique, les nouvelles guidelines accordent une place importante à la psychothérapie, quel que soit le niveau de dépression. « C’est vraiment l’élément majeur de ces recommandations » commente le Pr Magnier tout en reconnaissant d’emblée les difficultés d’accès posées par ce type de prise en charge. « Ce qu’on voudrait c’est qu’il y ait 10 à 15 séances remboursées par an et par personne car sinon en l’absence de remboursement on augmente les inégalités sociales de santé ».
Au côté des psychothérapies structurées classiques (cognitivocomportementales, psychodynamiques, systémiques…) les nouvelles recos ouvrent la porte à une psychothérapie plus informelle baptisée psychothérapie de soutien. « S’il s’en sent compétent, la psychothérapie peut être faite par le généraliste, même au-delà de la psychothérapie de soutien. Mais à l’inverse on ne doit pas s’y sentir obligé », nuance le Pr Magnier.
Derrière cette mise en avant de la psychothérapie, il y a clairement une volonté de lever le pied sur ce qui est psychotrope, décrypte le Pr Magnier. « L’idée c’est que le médicament ne fait pas tout ». Globalement les antidépresseurs ne sont pas indiqués en cas de dépression légère, peuvent être envisagés pour les dépressions modérées et doivent être proposés d'emblée pour les dépressions sévères. En raison de leur meilleure tolérance, il est recommandé de prescrire en première intention un ISRS, un IRSN, ou un médicament de la classe des « autres antidépresseurs », à l’exception de la tianeptine et de l’agomélatine. Les imipraminiques sont recommandés en deuxième intention en raison de leur risque de toxicité cardio-vasculaire.
Suivi rapproché
Des consultations régulières toutes les 4 à 8 semaines doivent être programmées pour évaluer la tolérance et l'efficacité du traitement, le moduler si besoin, et surveiller d'éventuels comportements suicidaires. Une fois les symptômes disparus, le traitement médicamenteux devra être poursuivi entre 6 et 12 mois pour prévenir le risque de rechute avec un arrêt progressif accompagné par le médecin.
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