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vendredi 10 novembre 2017

« C’est la vie » : paroles de parents « orphelins à l’envers »

Mohamed El Khatib a écrit sa pièce à partir des témoignages de Fanny Catel et Daniel Kenigsberg qui ont chacun perdu un enfant.

LE MONDE  | Par 

Daniel Kenigsberg et Fanny Catel dans « C’est la vie », de Mohamed El Khatib.
Daniel Kenigsberg et Fanny Catel dans « C’est la vie », de Mohamed El Khatib. JOSEPH BANDERET

En 2014, Mohamed El Khatib a fait un très beau spectacle sur la mort de sa mère, Finir en beauté. Fanny Catel et Daniel Kenigsberg sont venus le voir. Ils ne se connaissaient pas, mais l’une et l’autre connaissaient Mohamed El Khatib. Ils ont passé une soirée ensemble, à parler. Tous les deux sont comédiens, et ils ont perdu un enfant : elle, une petite fille, Joséphine, morte à 5 ans d’une maladie orpheline ; lui, un fils, Sam, qui s’est suicidé, à 25 ans. A la suite de cette première rencontre, Mohamed El Khatib a proposé à Fanny Catel et Daniel Kenigsberg de les revoir, et de mener ensemble un travail sur la disparition de leur enfant. Ainsi est né C’est la vie. Plutôt qu’un spectacle, c’est un moment qui n’appelle pas la critique, mais pose des questions.


Les gens sont assis sur des bancs, le plateau est nu. Fanny Catel et Daniel Kenigsberg restent debout. Sur une ligne de crête : ils jouent le texte que Mohamed El Khatib a écrit pour eux, et en même temps ils ne jouent pas, puisque c’est leur histoire qu’ils prennent en charge. A certains moments, ils apparaissent sur des écrans, filmés ; ils disent alors ce qu’ils ne pourraient pas dire en direct, parce que l’émotion serait trop forte, sans doute. Mais l’émotion est là, de toute façon, jusque dans les sourires, qui souvent pourraient être des larmes. Et ils sourient beaucoup, Fanny Catel et Daniel Kenigsberg, quand ils parlent de ce que cela fut, cet instant si bref et éternel où leur enfant est mort, les laissant à jamais « orphelins à l’envers », puisque le français n’a pas de mot pour les parents qui ont perdu un enfant.


Une impossible distance


Ecoutons : « On n’a pas trouvé de mot, qui soit assez puissant, pour rendre compte du séisme intime qui nous traverse, on n’a pas trouvé de mot, qui ne soit pas trop brutal, pour ne pas nous séparer davantage des autres vivants, qui soit suffisamment élégant et qui soit même agréable à l’oreille. On ne demande pas une cellule de crise, pas même une cellule d’aide psychologique, non, on veut juste un mot, un mot juste, pour nous consoler. Alors, on cherche encore. » Et nous, en face, sommes dans une situation dérangeante : ce qui nous est dit par Fanny Catel et Daniel Kenigsberg est intime, irrémédiable. Il ne peut en être autrement, mais pour que cela soit partagé, comme ça l’était dans Finir en beauté, il faudrait que l’on dépasse la confession publique, ce qui n’est pas le cas.

Mohamed El Khatib n’a pas trouvé les mots, ni la forme, pour donner à C’est la vie la distance nécessaire entre Fanny Catel, Daniel Kenigsberg, et ceux qui sont assis, à les entendre. Cette distance, on peut plus facilement se la donner à soi-même quand on lit le texte, publié par Les Solitaires intempestifs. Dans la salle d’un théâtre, c’est impossible, la présence réelle des « parents/comédiens » suscite une compassion apitoyée.

C’est la vie, de Mohamed El Khatib. Avec Fanny Catel et Daniel Kenigsberg. Théâtre Ouvert, 4 bis, cité Véron, Paris 18e. M: Blanche. Tél. : 01-42-55-55-50. Lundi 6 à 20 heures ; mardi 7 novembre à 19 heures. De 6 € à 22 €. Du 10 au 22 novembre, à l’Espace Pierre Cardin, 1, avenue Gabriel, Paris 8e. Mo : Concorde. Tél. : 01-42-74-22-77. Du lundi au samedi à 19 heures ; dimanche à 15 heures (relâche les 13, 18 et 19 ). De 16 € à 26 €. Durée : 1 h 10. Dans le cadre du Festival d’automne.

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