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vendredi 7 avril 2017

Quand le « transhumanisme » fait fausse route

LE MONDE DES LIVRES  | Par 
Penser l’humain au temps de l’homme augmenté, de Thierry Magnin, Albin Michel, 304 p., 19 €.
Le Cerveau, la machine et l’humain, de Pierre-Marie Lledo, Odile Jacob, 272 p., 23,90 €.

Nos ordinateurs sont encore loin de se mettre à penser tout seuls. Mais les rapides avancées en biotechnologies révolutionnent déjà le champ de la médecine en même temps que notre conception de l’humain. Nous serons bientôt en mesure, non seulement de réparer, mais d’améliorer l’homme et ses capacités. Le mouvement transhumaniste, apparu aux Etats-Unis dans les années 1980, rêve, lui, d’utiliser les découvertes neuroscientifiques, génétiques et robotiques pour créer une race d’hommes « augmentés » physiquement et intellectuellement. 

Dans leurs essais respectifs, Pierre-Marie Lledo, directeur du département de neurosciences de l’Institut Pasteur, et Thierry Magnin, prêtre et physicien, livrent leurs regards croisés sur l’état actuel de la recherche scientifique, ses promesses et ses dérives possibles.


On décrit parfois le transhumanisme comme une nouvelle religion, parce qu’il s’approprie des thèmes qu’affectionne la théologie, comme la mort, la nature de l’homme, ses possibilités de salut, etc. D’où l’intérêt de Penser l’humain au temps de l’homme augmenté. Thierry Magnin s’inquiète de ce courant qui « nie l’humain » en cherchant à éradiquer toute marque de contingence. Loin d’être technophobe, il salue les récents progrès en génie génétique destinés à traiter des maladies comme le cancer. Mais lorsque ces techniques visent à programmer et améliorer les capacités – notamment héréditaires – de personnes en parfaite santé, l’enjeu est tout autre. L’homme peut-il devenir le « designer de sa propre évolution » ?

Un équilibre délicat


Pourquoi pas, diront certains, puisque l’évolution se caractérise par la disparition des espèces les moins adaptées. Si l’on accepte l’idée de donner un coup de pouce technologique à la nature, pourquoi l’espèce humaine ne pourrait-elle pas laisser sa place à une posthumanité ne connaissant ni la souffrance ni la maladie ? Mais, selon Thierry Magnin, l’essence de l’homme se définit par un équilibre délicat entre « vulnérabilité et robustesse ». Un équilibre qu’il présente comme la condition même de la liberté, de la créativité et de l’intelligence. Le surhomme des transhumanistes ne représente en réalité qu’un « humain simplifié », incapable de s’adapter et d’évoluer du fait même de sa résistance à la moindre épreuve.

Les neurosciences sont parfois accusées de contribuer à cette vision en réduisant l’homme à son cerveau et celui-ci à une sorte de machine. Dans Le Cerveau, la machine et l’humain, Pierre-Marie Lledo cherche à montrer que les nouveaux acquis de la recherche, loin de conduire à une déshumanisation ou à un réductionnisme simpliste, révèlent au contraire toute la complexité et la singularité de l’homme. Il retrace l’épopée fascinante du cerveau humain, un organe à l’extraordinaire plasticité qui se reconfigure sans cesse au cours de ses interactions avec l’environnement physique et surtout social. L’empathie y occupe une place centrale : la capacité à comprendre et ressentir les émotions d’autrui est essentielle à son fonctionnement.

Ainsi, le « caractère extrêmement social » de l’homme le distingue des autres espèces aussi bien que des machines : « Pour se développer, s’épanouir, s’entretenir, le cerveau a besoin de rencontrer l’Autre. » Les neurosciences montrent donc que « l’émancipation de l’humain dépend avant tout de l’amélioration de ses conditions de vie sociales et politiques », et que le transhumanisme, qui prétend se fonder sur leurs découvertes, se trompe radicalement de combat.

Lire un extrait du Cerveau, la machine et l’humain sur le site des éditions Odile Jacob.

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