Aujourd'hui, Journée mondiale de la santé, l’OMS a choisi d’offrir un coup de projecteur à la dépression, maladie négligée qui relève encore du tabou social. « Le fait d’en parler, de demander de l’aide, c’est déjà un premier pas vers la guérison », a déclaré le Pr Jean-Luc Roelandt, psychiatre et directeur du Centre collaborateur de l’OMS pour la recherche et la formation en santé mentale en France, lors d’une conférence organisée ce vendredi à Paris au Conseil économique social et environnemental (CESE).
Le Pr Roelandt est revenu sur la campagne de l’OMS « Dépression : parlons-en » qui cible principalement trois groupes de population « touchés de manière disproportionnée », à savoir les adolescents et jeunes adultes, les femmes en âge de procréer après l’accouchement, ainsi que les personnes âgées de plus de 60 ans. Plus de 300 millions de personnes souffrent de dépression dans le monde. En forte progression (+18 % entre 2005 et 2015), cette pathologie va constituer la première cause d’incapacité à l’échelle planétaire d’ici à 2030.
Tout le monde concerné
« Nous souhaitons ouvrir un espace d’interpellation en direction des pouvoirs publics sur cette maladie qui devient de plus en plus massive et pour laquelle les actions en termes de prévention ne sont pas développées », indique Aminata Koné, présidente de la section des Affaires sociales et de la santé du CESE.
Présidente de l’association France dépression, Nathalie Manoury insiste de son côté sur l’importance de lutter contre les idées reçues autour de cette pathologie. « Pour le public, la dépression n’est pas une maladie, c’est juste une faiblesse, une fragilité. Il faut commencer par changer les regards pour agir sur la problématique de retard de prise en charge des malades », souligne-t-elle. « La dépression touche tout le monde », insiste le Pr Philippe Fossati, psychiatre et chef d’équipe à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM). Mais « il y a plein de combinaisons et de variétés de présentation clinique possibles, ce qui rend le diagnostic difficile », ajoute-t-il.
Inadéquation des traitements
Au niveau de la prise en charge, un problème de ciblage des patients demeure. Très globalement, « 50 % des personnes réellement dépressives ne sont pas soignées et 50 % des personnes soignées ne sont pas dépressives », pointe Nathalie Manoury. « Il y a probablement une réalité quant à la surconsommation de benzodiazépines qui ne sont pas indiquées dans le traitement de la dépression. Et contrairement à ce que l’on pense, une sous-consommation des antidépresseurs couplée à une inadéquation des traitements existe aussi », évoque le Pr Fossati. « On constate en parallèle une surmédicalisation pour des troubles de l’adaptation ou des facteurs de stress, et des malades vraiment déprimés qui ne viennent pas forcément consulter », résume-t-il.
Pour Nathalie Manoury, la problématique du non-remboursement des psychothérapies constitue un autre frein important dans la prise en charge. Alors que 3 millions de Français sont concernés par la dépression, l’association appelle les pouvoirs publics à se saisir davantage de cette problématique. « Le remboursement des psychothérapies, une meilleure information sur les traitements, la prévention, la psycho-éducation, l’hygiène de vie… il y a tout un panorama d’actions à mettre en place », indique la présidente de France Dépression qui a récemment lancé un nouveau spot vidéo de sensibilisation.
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