30.01.2017
De nombreux patients excluent toute trace de gluten de leur alimentation et disent s’en porter mieux. Pour autant, tous ne sont pas des malades cœliaques ni des allergiques au gluten et une nouvelle entité physiopathologique se précise, celle de l’hypersensibilité au gluten. Exposée aux Journées Francophones de Nutrition (Montpellier, 30 nov-02 déc 2016), elle reste pour le moment un diagnostic d’élimination.
De nombreux patients excluent toute trace de gluten de leur alimentation et disent s’en porter mieux. Pour autant, tous ne sont pas des malades cœliaques ni des allergiques au gluten et une nouvelle entité physiopathologique se précise, celle de l’hypersensibilité au gluten. Exposée aux Journées Francophones de Nutrition (Montpellier, 30 nov-02 déc 2016), elle reste pour le moment un diagnostic d’élimination.
Par effet de mode ou comme solution de dernier recours pour limiter des troubles à type de syndrome de l’intestin irritable parfois très handicapant, de nombreuses personnes suppriment de leur alimentation le gluten, terme générique désignant les protéines des céréales (blé, orge, seigle avoine) comme la gliadine. Elles s’en trouvent soulagées mais toutes ne sont pas, loin de là, d’authentiques malades cœliaques. Une petite frange d’entre elles serait plutôt « hypersensible au gluten ». Avec quatre consensus internationaux parus entre 2011 et 2014, les contours de cette « intolérance au gluten non cœliaque » décrite en 2009 pour la première fois se dessinent, même si de nombreuses zones d’ombre demeurent.
Une physiopathologie à part
Ainsi, du côté des mécanismes physiopathologiques à l’origine de l’hypersensibilité au gluten non cœliaque, il n’y a que peu de certitudes. Ils se distinguent de ceux de la maladie cœliaque et de l’allergie au gluten et se rapprocheraient plus des anomalies observées dans les MICI ou le syndrome de l’intestin irritable (SII), qui font toutes deux intervenir, à des degrés divers, plusieurs facteurs tels que l’inflammation de la muqueuse, une perméabilité intestinale accrue ou une perturbation de la composition du microbiote intestinal (dysbiose). Il a été montré qu’il existait une perméabilité intestinale accrue dans l’hypersensibilité au gluten, sans pouvoir, pour l’instant, préciser si elle est à l’origine de cette pathologie ou un simple marqueur de ses conséquences.
Une définition encore vague
Une définition – assez vague – a vu le jour dans le dernier consensus : il s’agit d’une « entité clinique au cours de laquelle l’ingestion de gluten entraîne des symptômes digestifs ou extra-digestifs qui régressent sous régime sans gluten. »
Sa prévalence reste approximative, entre 0,5 % et 6 % de la population selon les études. Rare chez l’enfant, elle se rencontre essentiellement chez les femmes (rapport 5 :1) dans leur
4e décennie.
Les symptômes digestifs au 1er plan
La présentation clinique de l’hypersensibilité au gluten est désormais mieux cernée. Les symptômes digestifs occupent le premier plan. « Il s’agit de douleurs, d’inconfort abdominal et de ballonnements dans plus de 80 % des cas, de troubles du transit (diarrhée, constipation ou alternance des deux) dans un cas sur deux, de troubles digestifs hauts (nausées, reflux gastro-œsophagien, vomissements, aérophagie) dans 30 à 50 % des cas, énumère le Dr Corinne Bouteloup, gastro-entérologue-nutritionniste (CHU Estaing, Clermont-Ferrand). Les symptômes digestifs n’ont rien de spécifique et peuvent faire évoquer des troubles fonctionnels ». Des symptômes extra-digestifs peuvent aussi coexister comme une fatigue et une faiblesse liées ou non à une anémie, des manifestations neuropsychiatriques (céphalées, léthargie, engourdissement, anxiété, troubles de l’humeur comme des syndromes dépressifs chez 30 à 50 % des patients), des troubles musculo-squelettiques et même des manifestations cutanées (rash, eczéma, prurit).
Un diagnostic d’élimination
En l’absence de marqueur diagnostique, la sensibilité au gluten non cœliaque reste à ce jour un diagnostic d’élimination. La démarche diagnostique a été codifiée dans le dernier consensus en vigueur. La première étape est d’éliminer une allergie au blé ou au gluten de blé (dosage des IgE, prick test et patch test) et une maladie cœliaque (dosage de l’anticorps immunoglobuline A anti-transglutaminase, dosage pondéral des IgA, biopsies duodénales, +/- typage HLA DQ2 et DQ8).
Un régime à vie ?
Le cas échéant, la démarche est alors de tester un régime sans gluten pendant six semaines rythmées par une évaluation hebdomadaire des symptômes digestifs et extra-digestifs. « Si leur réponse à l’éviction totale est complète, alors l’hypersensibilité au gluten est fortement probable, en particulier en cas de récidive lors de la réintroduction de doses minimes de gluten, explique Frank Zerbib (service d’Hépato-Gastro-Entérologie et Oncologie digestive, CHU Bordeaux) même si d’autres protéines du blé, encore peu connues, peuvent être impliquées. En revanche, si l’amélioration est partielle, sur certains symptômes comme les ballonnements ou les douleurs, et que la consommation de faibles doses d’aliments contenant du gluten est possible, une intolérance aux sucres fermentescibles (FODMAPs) est plus plausible (cf encadré), une entité clinique bien plus prévalente que l’hypersensibilité au gluten ».
Quelle que soit la pathologie suspectée (hypersensibilité au gluten ou à d’autres protéines du blé, intolérance aux FODMAPs) tout régime doit être prescrit dans le cadre d’une pathologie documentée et d’un suivi diététique. Car il est bien question chez les vrais hypersensibles au gluten de supprimer cette protéine de l’alimentation, à l’instar du régime des malades cœliaques, exposant à un risque de déséquilibre nutritionnel. Sauf que, dans le cas de l’intolérance au gluten non cœliaque, le caractère strict du régime et sa durée ne sont pas encore tranchés. Le fait que les marqueurs de stimulation de l’immunité innée et adaptative chutent après six mois d’éviction suggère peut-être la possibilité d’une réintroduction du gluten. À quel niveau d’apport ? Pourra-t-on alors espérer une guérison ? Autant de questions restant en suspens.
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