05.10.2016
C’est du Canada, où il exerce désormais, que Martin Winckler assène ses quatre vérités au monde médical hexagonal. À l’entendre, trop de médecins sont maltraitants. A l'appui de sa démonstration, une foultitude d’histoires vécues, pas toujours récentes. Son livre, qui sort le 5 octobre, sacrifie aussi aux polémiques du moment : PSA, mammographies, vaccination...
Insolente paraphrase du célèbre livre d’André Soubiran, le dernier ouvrage de Martin Winckler, « Les brutes en blanc », est une claque qui ne plaira pas à tout le monde au sein de sa corporation. Dans ce virulent opus, l’imprécateur tente l’inventaire de la maltraitance quotidienne, dont se rendraient coupables, sinon tous les médecins en France, du moins un bon nombre.
L’auteur de « La maladie de Sachs » tire en effet de ses souvenirs d’étudiant –à l’époque, il s’appelait Marc Zaffran- puis de remplaçant et de médecin vacataire au centre de Planification familial du Mans, un tableau fort peu flatteur des acteurs de santé. Est maltraitant, selon lui, « le médecin qui reproche au patient d’être trop exigeant » celui « qui manifeste du mépris pour les croyances, les sensations ou les sentiments du patient, » « qui insulte », « qui engueule », ou encore « qui fait mal et qui trouve ça normal. » À en croire Martin Winckler, nombre de ses confrères ressembleraient encore à ce portrait-robot.
Personne n'est épargné
Sa chronique de « la maltraitance médicale ordinaire » ratisse large, incluant l’exiguïté ou la vétusté de certains cabinets, l’absence d’écoute du malade ou les refus de soins. Et elle n’épargne personne : hospitaliers, spécialistes libéraux et même généralistes. « De nombreux médecins, généralistes ou gynécologues, hommes ou femmes, semblent savoir, mieux que les femmes elles-mêmes, ce qu’elles doivent faire de leur vie », note-t-il à propos des demandes d’IVG. Et l’auteur d’épingler également « cette insensibilité à la douleur des patients que manifestent nombre de médecins. » Il soutient que, près de 15 ans après la loi Kouchner, l’usager du système de soins n’a pas toujours accès à tout ce qui le concerne : « chaque semaine, je reçois des témoignages de patients à qui on a menti sur leur état, sur la nature de la maladie qui les afflige, sur le pronostic et sur les traitements…»
Au-delà de ces abus de pouvoirs, le nouveau bouquin de Winckler dépeint un monde médical fait d’excès et même de violence. À l’en croire, la France est « le pays industrialisé où le corps médical se montre le plus coercitif, le plus brutal et le plus totalitaire quand il s’agit d’accoucher », avec un taux d’épisiotomie de 30 % contre 15 % en Angleterre et 1 % en Suède. Martin Winckler s’indigne de l’insistance mise au dépistage du cancer de la prostate et stigmatise les touchers rectaux pratiqués par ses confrères. Et c’est pour ne rien dire du « décallotage » des petits garçons, encore conseillé par certains praticiens, alors que, insiste le pamphlétaire, « ce geste est douloureux pour le garçon, stressant pour la mère, et, médicalement sans intérêt… »
-La France est le pays industrialisé où le corps médical se montre le plus coercitif, le plus brutal et le plus totalitaire quand il s’agit d’accoucher.-On ne comprend pas pourquoi tant de pédiatres et de généralistes traitent d’inconscients les parents qui préfèrent ne pas administrer à leurs enfants toute la batterie de vaccins « recommandées »
Martin Winckler
Le médecin-écrivain ne fait bien sûr pas l’impasse sur les polémiques du moment. Sur lamammographie, il épingle excès de zèle et surdiagnostic. Ailleurs, il met son grain de sel sur « la surenchère vaccinale », du moins quand il ne s’agit pas de maladies mortelles : « On ne comprend pas pourquoi tant de pédiatres et de généralistes traitent d’inconscients les parents qui préfèrent ne pas administrer à leurs enfants toute la batterie de vaccins « recommandées » ». Enfin, sur la fin de vie, il milite pour la légalisation de l’euthanasie, estimant qu’en France « l’hypocrisie est de rigueur ».
Circonstances atténuantes
Pas tendre pour les toubibs, Martin Winckler leur accorde pourtant une circonstance atténuante : ils sont, explique-t-il en substance, victimes d’une formation à la schlague ; ces études, au cours desquelles les médecins « ont été formés non pas à écouter, mais à interpréter. » À l’en croire, paternalisme et autoritarisme sont trop encore les marques de fabrique du futur toubib : « L’enseignement médical est délivré de manière verticale, sans discussion, contestation ou dialogue possible. De sorte que beaucoup de médecins (…) reproduisent mécaniquement les habitudes héritées de leur maître. » Et les programmes n’arrangent rien : l’absence de formation psychologique et psychothérapeutiqueconduisant « inévitablement un certain nombre d’entre eux pour se protéger à adopter une attitude distante et des conduites d’évitement ». On l’aura compris, la fac ne fait pas que former : elle déforme. Et le généraliste de compter parmi les hospitalo-U, « plus d’hommes et de femmes de pouvoir que de soignants et d’enseignants bienveillants…»
Difficile pour un soignant de rester de marbre à la lecture de ce pavé de 360 pages. Pour autant, la critique n’est pas si neuve. Et les détracteurs de Winckler lui reprocheront peut-être de généraliser à partir d’exemples pour la plupart féminins et gynécologiques, un bon nombre d’anecdotes datant par ailleurs du temps où il exerçait dans l’Hexagone… il y a 25 ans !
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