Missionnée sur le contrôle de la protection juridique des majeurs, la Cour des comptes livre ce 5 octobre un rapport plus que mitigé. Consciente du progrès qu'a apporté la loi de 2007 en la matière, l'instance se dit déçue du manque d'implication politique nécessaire à sa mise en application. Neuf recommandations ont été formulées pour y remédier.
Un espoir déçu. Voilà comment la Cour des comptes qualifie la réforme de la protection juridique des majeurs entérinée en 2007. Dans un rapport daté de septembre et publié ce 5 octobre, l'instance dénonce, à l'issue du contrôle commandé par la commission des finances de l'Assemblée nationale, une politique "ambitieuse" mais "défaillante". La faute, selon elle, à "une action publique qui n’est ni incarnée, ni suffisante".
La loi du 5 mars 2007, rappelle la cour, visait à adapter ce régime pour le rendre plus respectueux des droits des personnes et à déjudiciariser la prise en charge des majeurs au profit d'un accompagnement social. Si celle-ci a "indéniablement marqué un progrès", près de dix ans après son entrée en vigueur, force est de constater cependant, que le compte n'y est pas. Le nombre de mesures de protection ouvertes chaque année a en finalité crû plus vite qu’avant la réforme, pour passer de 4,4% à 5% par an. "Depuis 2013, ce sont ainsi plus de 70 000 nouveaux majeurs qui sont placés sous tutelle ou curatelle chaque année", analyse la cour. Ce qui porte à 93% le nombre de majeurs vulnérables faisant l'objet des mesures les plus restrictives de liberté, malgré leur gradation et l'introduction de dispositifs alternatifs introduits par le législateur*. Quant à l’accompagnement social, il "n’a pas trouvé sa place dans le dispositif d’ensemble", les départements n'ayant signé qu'une dizaine de milliers de mesures.
Un coût financier non maîtrisé
Absence de pilotage ministériel, manque d'information et de soutien des familles, délaissement des missions de contrôle des mandataires, qualité de la protection insuffisante, négligence des projets de vie... La Cour ne manque pas d'exemples pour justifier un tel bilan. Ainsi, l'instance déplore notamment que "le ministère des Affaires sociales consacre l'essentiel de son action au financement des mandataires professionnels, alors qu'il est également investi du contrôle de leur activité". Seuls dix équivalents temps plein d'inspecteur départemental seraient ainsi consacrés à ces missions. Quant au coût global du régime, celui-ci est "loin d'avoir été maîtrisé". Il s'est ainsi renchéri de 6,3% par an en moyenne depuis 2008, souligne la Cour, passant de 508 à 780 M€ en 2015, dont 637 M€ de financement public.
Et d'insister : même avec les récentes évolutions consenties par le Gouvernement (lire ci-contre), l'organisation du système est "peu efficace" et les moyens mis en œuvre "faibles" au regard des responsabilités incombant à l'État.
Considérant que les services de l’État et les départements devraient donc mieux prendre la mesure de leurs responsabilités et que la politique publique nécessaire envers les majeurs vulnérables est aujourd'hui "introuvable", la cour a à ce titre formulé neuf recommandations. Articulées autour de trois axes — le pilotage, la régulation et la coordination de la politique publique ; la déjudiciarisation des dispositifs de soutien ; et la professionnalisation et contrôle des acteurs — celles-ci prévoient entre autres la création d'un observatoire de la protection juridique des majeurs et la nomination d'un délégué interministériel pour cinq ans afin de structurer la filière.
* La mesure d'accompagnement social personnalisé (Masp), la mesure d'accompagnement judiciaire (Maj) "n'ont pas rencontré le succès espéré". Le mandat de protection futur s'est également "très peu développé".
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