En tension quasi-constante, le secteur de la dépendance, et notamment Ehpad, ne devrait a priori pas voir son budget RH augmenter sous peu. Dans ce contexte, les gestionnaires s'évertuent à faire émerger de nouveaux modèles à même de construire des professionnels épanouis, engagés... et force de proposition pour impulser l'innovation.
La crise nous donne l'opportunité de faire bouger les lignes. Voilà en somme le message que se sont attachés à faire passer les professionnels de la prise en charge de la personne âgée ces 22 et 23 septembre à Lyon (Rhône), à l'occasion de la grande conférence européenne organisée par l'association européenne des établissements et services pour personnes âgées (EAHSA) et la Fnaqpa. En question notamment, les perspectives d’évolution qu'offrent les nouveaux modèles de management.
Sur les 40 millions de créations d'emplois dans le secteur de la santé d'ici 2030 avec le vieillissement annoncé de la société, seulement la moitié seront pourvus par des personnes qualifiées, d'après l'Organisation mondiale de la santé (OMS). À l'évocation de ces chiffres, et alors que les difficultés de recrutement sur le secteur le fragilisent davantage encore, une nouvelle question s'invite dans les esprits : comment s'assurer que l'on dispose des bonnes personnes, de personnes formées et engagées ?
Tuer le normatif, ressusciter l'innovation
"Lors de nos recrutements, les personnes que nous rencontrons sont surtout formées pour le soutien à la vie quotidienne, mais pas à ce que dont nous aurons besoin pour faire aller le secteur de l'avant, et notamment comment gérer participer à la prise de décision". Face à ce constat, Stephen Cornelissen, directeur général du groupe d'établissements australien Mercy Health, loue la prise de risques. Parmi lesquels, la responsabilisation du personnel.
Kaisa Pekola, responsable des services de soins infirmiers à domicile de l'association finlandaise Espoon Lähimmäispalveluyhdistys et infirmière de formation, s'est ainsi lancée à corps perdu dans le management dit agile. Sa philosophie ? Encourager les employés à trouver des réponses par eux-mêmes dans le cadre de leur travail. Synonyme à son sens de souplesse, de bien-être au travail — l'association a observé une chute marquée des arrêts maladie chez ses infirmiers — et donc de fidélisation, la démarche se veut surtout source d'innovation. "En donnant l'opportunité à nos équipes de développer des activités dans leurs propres unités, nous souhaitons surtout qu'ils puissent évaluer leur fonctionnement et identifier ce qui ne fonctionne pas". Quitte à laisser libre champ aux idées un peu folles.
Fidéliser dès le lycée
Stephen Cornelissen, directeur général du groupe d'établissements australien Mercy Health, a trouvé la parade pour s'assurer de professionnels parfaitement investis. Sa structure travaille ainsi à une nouvelle approche de recrutement ciblée dans les collèges et lycées. Un moyen de faire émerger les vocations plus tôt, d'enclencher plus rapidement l'apprentissage validation des acquis à l'appui, mais également d'engager la "fidélisation" de ses recrues sur le secteur Ehpad. "C'est souvent après plusieurs années dans le secteur que les étudiants considèrent le secteur comme une option de carrière", complète le directeur.Prôner l'essai-erreur
C'est ce que David Vallat, maître de conférences en sciences économiques pour l'université Claude-Bernard Lyon 1, qualifie d'essai-erreur. Ou comment s'adapter par l'apprentissage. Pour le spécialiste de l'économie sociale et solidaire, la confrontation des points de vue et leur mise en place permet à ce titre de s'affranchir des schémas formatés, organisés et hiérarchisés pour constituer une organisation "apprenante", basée sur l'interconnexion.
S'il semble porter ses fruits en Finlande, ce parti pris nécessite cependant de repenser la fonction de manager. "Cela n'est pas toujours facile d'attendre que la personne trouve la bonne réponse, reprend Kaisa Pekola. Mais c'est un des défis essentiels : rendre les managers moins présents d'une part, et conforter le personnel dans l'idée qu'ils n'ont pas forcément besoin d'eux au quotidien." Quant au gestionnaire, là où le président de la fondation allemande Stiftung Liebenau, Berthold Broll, invoque "un esprit de pionnier", Stephen Cornelissen y voit une exigence de témérité. "Nous avons besoin de leaders courageux pour réinstituer l'initiative que la verticalisation des normes tue, plaide-t-il. Il nous faut rester résilients. Les compétences d'aujourd'hui vont permettre de voir qui survivra dans cette industrie demain."
Reste ensuite à abattre l'objet si rassurant que constitue l'organigramme. Nicole Poirier, directrice de l'association québécoise Carpe Diem dénonce à cet égard une dernière aberration : "Celui qui a le plus d'impact sur la personne âgée est aussi celui qui a le moins de pouvoir pour faire évoluer les pratiques."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire