L’assistante sociale du service de psychiatrie refusait d’ôter son voile. Le directeur des ressources humaines du centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre (Hauts-de-Seine) avait donc décidé de ne pas renouveler son CDD. C’était en 2000. Quinze ans plus tard, jeudi 26 novembre, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) est venue conforter cette décision, déjà validée par les tribunaux administratifs français, devant lesquels Christiane E. demandait l’annulation de son non-renouvellement.
« La Cour constate que le port du voile a été considéré par les autorités comme une manifestation ostentatoire de la religion incompatible avec l’obligation de neutralité des agents publics dans l’exercice de leur fonction », étaye la juridiction européenne.
Cette exigence de neutralité découle du principe de laïcité « au sens de l’article Ier de la Constitution française », rappellent les juges de Strasbourg. Elle protège « ainsi les patients de l’hôpital de tout risque d’influence ou de partialité au nom de leur droit à leur propre liberté de conscience ». Et, surtout, elle ne viole pas le droit à la liberté de religion.
La Cour « estime que les autorités nationales n’ont pas outrepassé leur marge d’appréciation en constatant l’absence de conciliation possible entre les convictions religieuses de Mme E. et l’obligation de s’abstenir de les manifester ».
Pour Nicolas Hervieu, juriste spécialisé de la Cour européenne des droits de l’homme, la position de la CEDH n’est pas étonnante : « Elle s’était déjà exprimée en ce sens, notamment lorsqu’elle avait été saisie, en 2009, de la loi de 2004 sur les signes religieux dans les écoles publiques. »
Crucifix tolérés en Italie
Surtout, l’arrêt de la Cour doit être appréhendé comme une « volonté de la CEDH de respecter la laïcité à la française », insiste Nicolas Hervieu. Sous-entendu : une même situation, intervenue dans un autre Etat membre du conseil de l’Europe, aurait pu tout à fait déboucher sur un arrêt différent, car « la Cour admet des positions diamétralement opposées dans la manière de gérer le fait religieux dans les Etats ».
De manière générale, elle tend à reconnaître « un droit très fort à la liberté de religion et de manifester ses convictions religieuses, même sur son lieu de travail ».
Pour preuve : dans un arrêt de 2013, les juges européens ont retoqué le Royaume-Uni, « qui avait admis que la compagnie British Airways interdise le port d’une petite croix ». La CEDH« avait jugé que c’était une violation excessive du droit de manifester ses convictions religieuses sur son lieu de travail », souligne le juriste. De la même manière, en 2011, « la Cour avait toléré des crucifix dans des salles de classe en Italie ».
Dans le cas de Christiane E., la Cour européenne des droits de l’homme a tenu compte du« principe très particulier de laïcité à la française ». Ou, autrement dit, « de la conception très stricte de la laïcité » qui prévaut en France. De la même façon qu’elle l’avait fait, en 2004, en autorisant la Turquie à interdire le port du voile à l’université.
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